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L’immigration par pays d’origine
Les 30 premières nationalités présentes en France en 2020

Cette carte sera régulièrement enrichie de nouvelles notices, retraçant l’histoire des immigrations en provenance d’autres pays.

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Abdelmalek Sayad (1933-1998) – Sociologue

Abdelmalek Sayad est né le 24 novembre 1933 à Beni Dejllil, dans le nord de l’Algérie française. Après des études au lycée de Bougie puis à l’École normale de Bouzareah, il devient instituteur à Alger. Inscrit à l’université, il fait la rencontre de Pierre Bourdieu, alors assistant à la faculté des lettres, dont il est d’abord l’étudiant avant de devenir l’ami et le collaborateur. Ensemble, ils publient Le Déracinement. La crise de l’agriculture traditionnelle en Algérie en 1964, ouvrage portant sur les regroupements des populations paysannes opérés par l’armée durant la guerre d’Algérie. Abdelmalek Sayad s’installe en France à partir de 1963. Il enseigne d’abord à l’École des hautes études en sciences sociales puis entre au CNRS en 1977.

L’œuvre de Sayad ouvre la sociologie française à la question de l’immigration et renouvelle la façon de l’envisager. Pour lui, l’immigré est avant tout un émigré, il convient de prendre en compte le contexte de son départ et la culture qu’il transporte. Il développe l’idée d’une double absence, l’immigré étant étranger à sa société d’origine et à sa société d’accueil. Les publications d’Abdelmalek Sayad ont été rassemblées dans L’Immigration ou les Paradoxes de l’altérité (1992) et dans La Double Absence. Des illusions de l’émigré aux souffrances de l’immigré (1999). Il est décédé en 1998.

Achille Mbembe (né en 1957) – Chercheur

Né en 1957 au Cameroun, Achille Mbembe est un universitaire camerounais, spécialiste des questions postcoloniales. Il a effectué son cycle universitaire en France : titulaire, d'abord, d'un DEA en science politique de l'Institut d'études politiques de Paris, ensuite d'un doctorat en histoire à l'université de la Sorbonne. Ses enseignements portent sur l'histoire de l'Afrique, la politique africaine et les sciences sociales. Il est membre de l'équipe du Wits Institute for Social & Economic Research (WISER) de l'Université du Witwatersrand de Johannesburg en Afrique du Sud. Achille Mbembe a collaboré avec de nombreuses universités et institutions américaines dont l’université Columbia de New York, la Brookings Institution de Washington, l'université de Pennsylvanie, l'université de Californie, Berkeley et l’université Yale. Il a également été au Conseil pour le développement de la recherche en sciences sociales en Afrique (Codesria) à Dakar au Sénégal.
En 2021, il est chargé par le président de la République française de mener un cycle de discussions dans douze pays africains et au sein de la diaspora africaine de France afin de préparer le «Nouveau Sommet Afrique-France» du 8 octobre 2021. Résultats de nombreux débats et rencontres, il a rendu un rapport Les nouvelles relations Afrique-France, publié en amont du sommet Afrique-France de Montpellier.
Lauréat du prix Ernst-Bloch en 2018, Achille Mbembe est l’auteur de plusieurs ouvrages.

Ahmadou Kourouma (1927-2003) – Écrivain

Ahmadou Kourouma est né le 24 novembre 1927 à Boundiali, en Côte d’Ivoire. Il est renvoyé de l’École technique supérieure de Bamako pour avoir participé à un mouvement de contestation. Enrôlé de force dans l’armée française, refuse de participer à la répression des manifestations du Rassemblement démocratique africain. Son insubordination lui vaut d’être d’abord emprisonné, puis dégradé et envoyé à titre disciplinaire pour combattre en Indochine. En 1954, il se rend en France pour reprendre ses études en mathématiques à l’Institut de science financière et d’assurances de Lyon. À l’indépendance de la Côte d’Ivoire, en 1960, il rentre dans son pays natal où il exerce un emploi dans la fonction publique. Il est inquiété par le régime du président Félix Houphouët-Boigny qui le suspecte, à tort, d’avoir participé à un complot. Emprisonné un temps, il perd son emploi et doit prendre le chemin de l’exil en Algérie. Il revient en France en 1969, embauché dans une banque parisienne. C’est alors, en 1970, qu’il publie son premier roman, Les Soleils de l’indépendance. Suivront, Monnè (1990), En attendant le vote des bêtes sauvages (1998, prix Inter), Allah n’est pas obligé (2000, prix Renaudot et prix Goncourt des lycéens). La guerre civile en Côte d’Ivoire en 2002 le contraint à nouveau à l’exil. Il meurt à Lyon en novembre 2003.

Légende de l'image : L'écrivain ivoirien Ahmadou Kourouma (1927-2003) à Brive-la-Gaillarde le 8 novembre 2002 © Jean-Marc ZAORSKI/GAMMA RAPHO 

Ahmed Boughéra El Ouafi (1898-1959) – Sportif

Né en Algérie, Ahmed Boughéra El Ouafi traverse la Méditerranée pour prendre part à la Première Guerre mondiale. Après celle-ci, il s’engage dans l’armée française. En 1923, un jeune lieutenant lui offre la possibilité de participer à une première course de fond au cours de laquelle il s’illustre. Il enchaîne les épreuves et devient champion de France en 1924, avant de participer aux Jeux olympiques de Paris la même année, sans succès. Après l’armée, sans ressources, El Ouafi s’engage comme manœuvre chez Renault. Inscrit au club du CO Billancourt, il continue à courir 15 kilomètres par jour et à participer à plusieurs courses. Il est sacré champion de France du marathon en 1927 et est sélectionné pour les Jeux olympiques d’Amsterdam. En 1928, un athlète maghrébin inconnu, portant le dossard 71 frappé du coq bleu, blanc, rouge, remporte le marathon à la surprise générale. Ce 5 août 1928, Ahmed Boughéra El Ouafi s’est imposé comme l’un des plus grands champions olympiques de sa discipline. Radié à vie par la Fédération française d’athlétisme pour avoir voulu monnayer ses talents aux États-Unis, il sombre peu à peu dans la misère. Le 18 octobre 1959, dans un café de Saint-Denis, en pleine guerre d’Algérie, il est tué par balle lors d’un règlement de comptes.

Légende de l'image : Ahmed Boughera El Ouafi, athlète français d'origine algérienne, vainqueur au marathon des Jeux olympiques d'Amsterdam (1928) © Roger-Viollet / Roger-Viollet

Aïssa Maïga (née en 1975) – Actrice et réalisatrice

Née à Dakar en 1975 d’une mère sénégalaise et d’un père malien, Aïssa Maïga s’est passionnée très tôt pour le cinéma. Installée à Paris depuis l’âge de cinq ans, elle suit des cours de théâtre et se fait repérer alors qu’elle n’est encore qu’une jeune collégienne. Son premier long-métrage aux côtés d’Yvan Attal en 1996, Saraka Bô, lui permet de convaincre un agent et d’abandonner son travail de serveuse. Son parcours est jalonné de rencontres avec de prestigieux réalisateurs tels que Michael Haneke (Caché, 2003), Claude Berri (L’Un reste, l’autre part, 2004) ou encore Cédric Klapisch en 2004, qui lui permet de se faire connaître du grand public avec le succès des Poupées russes. En 2006, elle joue dans Bamako, rôle pour lequel elle obtient une nomination pour le César du meilleur espoir féminin. La même année, elle joue dans Prête-moi ta main aux côtés d’Alain Chabat, qui lui offre quelques années plus tard un rôle dans son film Sur la route du Marsupilami (2012). Elle apparaît également sur le petit écran et reçoit le Prix d’interprétation féminine pour le téléfilm Mortel été au festival du film de télévision de Luchon (2013). Elle est une des rares actrices noires qui aient réussi à se hisser en haut de l’affiche. Artiste engagée, Aïssa Maïga est notamment la coautrice de l’ouvrage Noire n’est pas mon métier, qu’elle a dirigé. Elle a aussi réalisé un court métrage et deux documentaires.

Légende de l'image : PRETE-MOI TA MAIN, Alain Chabat, Aissa Maiga, 2006 © Les Films du Losange / Everett Collection / Bridgeman Images

Alain Mabanckou (1966) – Écrivain et universitaire

Alain Mabanckou est né en 1966 à Pointe-Noire (république du Congo) où il fait ses études primaires et secondaires. Après le baccalauréat, il entame des études de droit à Brazzaville comme le voulait sa maman. Il obtient une bourse pour poursuivre ses études de droit à l’université de Paris-Dauphine. Après son DEA, il travaille une dizaine d’années dans le groupe Suez-Lyonnaise des eaux. Alain publie en 1998 son premier roman, Bleu-Blanc-Rouge, qui lui vaut le Grand Prix littéraire de l’Afrique noire. Le roman le révèle au grand public, avec notamment Verre cassé, unanimement salué par la presse, la critique et les lecteurs ; puis Mémoires de porc-épic lui vaut en 2006 l’obtention du prix Renaudot. L’université du Michigan lui propose le poste de professeur des littératures francophones en 2002. Quatre années plus tard, il rejoint la prestigieuse université de Californie à Los Angeles (Ucla), où il enseigne au département d’études francophones et de littérature comparée. En 2010, Alain Mabanckou est nommé par décret du président de la République française au grade de chevalier dans l’ordre de la Légion d’honneur. En 2012, l’Académie-Française lui décerne le Grand Prix de littérature Henri-Gal. En 2013, la fondation Prince-Pierre-de-Monaco salue l’ensemble de son œuvre. En 2016, le Collège de France lui confie la chaire de création artistique.

Légende de l'image :  Alain Mabanckou, septembre 2009 © Ulf ANDERSEN/GAMMA 

Alberto Giacometti (1901-1966) – Artiste

Né le 10 octobre 1901 à Borgonovo, dans le canton des Grisons en Suisse, d’un père artiste peintre réputé (Giovanni Giacometti), Alberto Giacometti étudie l’art à Genève, puis à Paris, où, à son arrivée en 1922, il entre dans l’atelier d’Antoine Bourdelle à Montparnasse. Même si la plupart de ses créations sont réalisées dans sa « caverne-atelier » du 14e arrondissement de Paris, rue Hippolyte-Maindron, il retourne régulièrement en Suisse travailler dans les ateliers de son père. Proche du mouvement surréaliste à partir de 1930 en fréquentant ses principaux acteurs (Tristan Tzara, Louis Aragon, André Breton ou René Crevel), il forme une œuvre en écho à celles de Joan Miró et de Jean Arp, avec qui il expose à la galerie Pierre de Paris. Concentrant son intérêt sur les têtes puis sur des corps en déplacement, il prend comme modèles, pour ses portraits sculptés et peints, son frère Diego et sa propre femme, Annette. Ses sculptures sont de taille minuscule durant la période 1941-1945 où il s’est réfugié à Genève ; elles deviennent filiformes et allongées à son retour à Paris (Trois hommes qui marchent, 1948) et sont exposées en 1951 à la galerie Maeght, en 1956 à la Biennale de Venise, où Giacometti représente la France puis, depuis 1964, à la fondation Maeght, à Saint-Paul-de-Vence. Alberto Giacometti meurt en 1966 en Suisse.

Légende de l'image : Alberto Giacometti (1901-1966), sculpteur et peintre suisse, 1961 © J-R Roustan / Roger-Viollet

Algériens

L’émigration algérienne en France s’inscrit dans le cadre de la domination coloniale (1830-1962) : afin de faire place aux colons, l’occupation française s’est accompagnée de dépossessions foncières et de déplacements de population de grande ampleur. L’Algérie fut aussi une terre de recrutements militaires qui prirent une nouvelle ampleur avec la Première Guerre mondiale. Ces anciens soldats et travailleurs requis ont dans l’entre-deux-guerres constitué le « premier âge » de l’immigration en rejoignant des précurseurs (colporteurs notamment) qui traversaient la Méditerranée depuis la fin du xixe siècle. Ces hommes – jusqu’au tournant des années 1960 les femmes représentent moins de 10 % des arrivants – étaient français de nationalité mais demeuraient des « citoyens diminués » partageant l’essentiel de la condition des autres immigrés. Devenus Algériens en 1962 (moins de 10 % de ces immigrés conservèrent la nationalité française), ils avaient tour à tour été considérés comme « indigènes », « sujets français » ou « Français musulmans ». Leur arrivée n’était pas souhaitée par les pouvoirs publics mais elle s’est accélérée après 1945, sous l’effet de la liberté de circulation entre les deux rives de la Méditerranée et des bas salaires proposés dans les rares industries d’Algérie. 

En France, les Algériens étaient considérés comme une main-d’œuvre d’appoint notamment dans les secteurs du bâtiment et de la construction, mais aussi dans les mines ou les usines chimiques et automobiles. Ni la guerre (1954-1962) ni l’indépendance ne ralentirent les départs. Au contraire, les destructions de villages entiers et les déplacements forcés de population impulsèrent une nouvelle émigration de familles entières. La suspension de l’émigration de main-d’œuvre (1973) par l’État algérien et les entraves mises au regroupement familial par les autorités françaises n’empêchèrent pas les Algériennes et les Algériens de devenir, dès les années 1970, la principale composante de l’immigration en France. Les obstacles à la libre circulation se multiplièrent cependant jusqu’à l’imposition d’un visa en 1986. Cette obligation de visa fut une véritable entrave pour des milliers Algériens qui, au cours de la « décennie noire » (années 1990), cherchèrent à fuir le terrorisme islamique et les opérations de l’armée.

Aujourd’hui encore, les Algériens sont la nationalité la plus représentée parmi les immigrés et les descendants d’immigrés. Dans une grande diversité de trajectoires et de générations, se côtoient ainsi, à tous les niveaux de la société française, réussites éclatantes et discriminations persistantes.

Allemands

L’immigration germanophone en France est ancienne. Il y avait déjà des étudiants à Paris au Moyen Âge ; aux xviie et xviiie siècles, la France a aussi accueilli de nombreux artisans allemands. Certains participeront à la Révolutions française. C’est le cas des deux grands-pères du baron Haussmann. Des années 1820 aux années 1860, les Allemands ont constitué la première immigration de masse de l’époque contemporaine vers la France, avec environ 60 000 personnes rien qu’à Paris. Composée d’ouvriers, d’artisans, d’opposants politiques, d’artistes, d’intellectuels, et d’universitaires, cette communauté n’est pas homogène.

La guerre de 1870 constitue une rupture, les Allemands sont désormais beaucoup moins nombreux à émigrer vers la France. Vers la fin du xixe siècle, les femmes sont les plus nombreuses. Elles travaillent comme domestiques et gouvernantes à Paris. L’accession d’Hitler au pouvoir au début des années 1930 pousse des militants socialistes, des communistes, des intellectuels parmi lesquels beaucoup de Juifs à fuir l’Allemagne pour s’installer en France. Ces réfugiés opposés au régime nazi sont en France, en 1939, victimes de xénophobie, d’antisémitisme ou de germanophobie, mais beaucoup sont soutenus par les milieux intellectuels français. Certains s’engagent dans la Légion étrangère tandis que d’autres participent à la Résistance pour combattre le nazisme. Après la guerre, il faut attendre les années 1960 et la conciliation franco-allemande de 1963 pour voir revenir en France une jeunesse désireuse de changer d’air. Ces dernières années, de plus en plus d’Allemands se sont installés en France, pays qu’ils ont souvent découvert grâce au programme Erasmus. Ils sont surtout attirés par une opportunité professionnelle plus intéressante dans certains secteurs.

Américains (États-Unis)

De l’indépendance des États-Unis jusqu’à la fin de la Grande Guerre, de nombreux Américains se sont installés en France. Parmi eux figurent, à partir du xixe siècle, des industriels, des banquiers, des assureurs, des commerçants, des négociants, des universitaires, des ingénieurs, des avocats, des médecins, des étudiants, des fonctionnaires internationaux, des soldats, des artistes, etc. Ces derniers, en très grand nombre, sont représentés par des musiciens (surtout de jazz), écrivains, peintres, sculpteurs, architectes, décorateurs, compositeurs, paroliers ainsi que par des collectionneurs d’art. Tous ces Américains participent grandement au développement économique et culturel de la France. Au lendemain de la Première Guerre mondiale, beaucoup de philanthropes, avec des moyens financiers considérables, aident à gagner la guerre et participent à la reconstruction du pays. La Seconde Guerre mondiale voit venir en France des soldats américains pour se battre contre les nazis.

Après la guerre, beaucoup restent dans le pays grâce à la loi américaine qui aidait les GI démobilisés à financer leurs études, à créer des entreprises ou à monter d’autres projets. Certains épousent des Françaises. Les Américains s’installent massivement à Paris et sa région tandis que les rentiers et les retraités continuent d’opter pour le sud de la France. Si les Américains continuent de s’installer en France et particulièrement à Paris, c’est qu’ils y trouvent une ouverture d’esprit qui fait défaut à l’Amérique.

Antonythasan Jesuthasan (né en 1967) – Ecrivain et acteur

Antonythasan Jesuthasan est né en 1967 dans le village d’Allaipiddy dans le nord de Sri Lanka. Ancien enfant soldat du mouvement du Liberation Tigers of Tamil Eelam (LTTE), il arrive en France en 1993 où il obtient l’asile politique.
A la fin des années 1990, il commence à écrire, en tamoul, sous le pseudonyme de Shobasakthi, des nouvelles, des pièces de théâtres, des essais politiques et des scénarios sur son expérience personnelle de la guerre. Plusieurs de ses nouvelles (Gorilla, 2001 et Traitor, 2003, Friday and Friday, 2018) ont rencontré un vif succès en Asie du Sud et ont été traduites en anglais ou en Français.
Shobasakthi joue en 2011 dans son premier film tamoul indépendant, Sengadal (The Dead Sea), qu’il a co écrit, et qui porte sur les pêcheurs tamouls qui luttent pour gagner leur vie dans le village largement abandonné de Dhanushkodi, dans le sud de l'Inde. En 2015, il tient le rôle principal dans le film de Jacques Audiard, Dheepan, qui obtient la Palme d’or au Festival de Cannes 2015. Il a été nominé pour le César du meilleur acteur en 2016. 
Depuis, il a joué dans plusieurs productions filmographiques ou de théâtres internationaux ou issues de la diaspora tamoule et il poursuit en parallèle sa production littéraire.

Azzedine Alaïa (1935-2017) – Styliste

Azzedine Alaïa est un grand couturier et styliste franco-tunisien. Né en 1935 à Tunis, il arrive à Paris dans les années 1950 après des études d’architecture. Après avoir appris le métier chez les couturiers Guy Laroche et Thierry Mugler, il crée sa propre marque dans les années 1980 dans son atelier-boutique de la rue de Bellechasse à Paris. Azzedine Alaïa est très vite distingué par la critique pour son style sculptural inimitable qui habille des vedettes comme Greta Garbo ou une bonne partie de la haute société parisienne. Proche de nombreux top models comme Farida Khelfa avec laquelle il pose pour des photographies de Jean-Paul Goude ou de Naomi Campbell, il poursuit sa carrière la décennie suivante en devenant un couturier de renommée. Ses créations se retrouvent dans de grands magasins comme le Barneys ou le Bergdorf Goodman de New York ainsi qu’à Beverly Hills. Il reçoit des mains de la chanteuse Cher l’Oscar du meilleur créateur de l’année et celui du prix spécial du jury. Après cette épopée dans le prêt-à-porter, fait chevalier de la Légion d’honneur en 2008, il se lance dans la haute couture à la fin de sa carrière en 2011. Il meurt accidentellement en 2017 à Paris et est inhumé au cimetière de Sidi Bou Saïd en Tunisie.

Légende de l'image :  Le couturier Azzedine Alaia, Paris, 19 novembre 1992 © Alain BENAINOUS/GAMMA 

Beate Klarsfeld, née Künzel (née en 1939-) – Militante anti-nazie allemande, travaillant pour la mémoire de la Shoah

Beate Klarsfeld, née Beate Auguste Künzel le 13 février 1939 à Berlin, est venue en France en 1960 pour échapper à l’ambiance étouffante de l’Allemagne d’après guerre. Elle rencontre l’avocat Serge Klarsfeld qu’elle épouse un an plus tard, ce qui lui donnera en 1965 la nationalité française. Le couple se distingue par son engagement contre les anciens nazis qui occupaient des postes de pouvoir. Son principal coup d’éclat médiatique est d’avoir giflé en public le chancelier allemand Kiesinger, un nazi de la première heure. Avec son époux, elle poursuit sans relâche des criminels nazis qui ont été condamnés par contumace en France. Ils parviennent notamment à faire extrader et condamner Klaus Barbie (connu comme responsable de la mort de Jean Moulin et de la déportation des enfants d’Izieu). En 1970, Serge et Beate Klarsfeld fondent l’association des Fils et filles de déportés juifs de France (FFDJF), dont l’objectif est de restituer l’état civil de chaque enfant victime des nazis. Beate Klarsfeld a été gratifiée en France des titres d’officier de la Légion d’honneur et de commandeur de l’Ordre national du mérite. En 2016, Beate Klarsfeld reçoit la nationalité israélienne à titre honorifique pour « sa contribution au peuple juif ».

Légende de l'image : La militante anti-nazie Beate Klarsfeld lors de la manifestation contre sa condamnation à une peine de prison de quatre ans en Allemagne, le 11 juillet 1974, à Paris © KEYSTONE-FRANCE/GAMMA RAPHO 

Belges

Longtemps à la première place jusqu’à la fin du xixe siècle, l’immigration belge est une immigration ancienne et de proximité. Les Belges venaient en France pour travailler dans les industries minières, métallurgiques, textiles, dans la construction des chemins de fer dans le Nord ou comme ouvriers à Paris (chantiers d’Haussmann) ou dans les services à domicile (femmes). Fuyant la pauvreté, ils acceptent les métiers pénibles et peu rémunérés. Parmi eux, on compte un grand nombre de saisonniers et d’immigrants temporaires.

La grande majorité des Belges vit dans le département du Nord et aux abords immédiats de la frontière dans les Ardennes, de Givet à Sedan, et la Meurthe-et-Moselle au cœur du bassin de Longwy. Les autres résident à Paris et dans quelques communes voisines (Clichy, Levallois, Saint-Ouen, Saint-Denis), dans le Pas-de-Calais autour de Lens et Liévin, enfin dans des départements agricoles comme l’Oise, l’Aisne, la Marne, la Somme. Bien intégrés dans la société française, ils ont longtemps été victimes, comme les immigrés actuels, de xénophobie et d’exclusion. Contrairement aux anciennes vagues migratoires, les Belges en France sont aujourd’hui des retraités possédant des propriétés, notamment dans le sud de la France, des artistes, surtout à Paris, des migrants hautement qualifiés.

Berenice Abbott (1898-1991) – Photographe

Née dans l’Ohio, elle a rejoint à l’âge de vingt ans la bohème new-yorkaise de Greenwich Village, où elle fait la connaissance de Man Ray. Tentée par la sculpture, elle suit en 1921 un itinéraire encore classique à l’époque : le complément de formation et l’adoubement par Paris, auprès d’Antoine Bourdelle mais aussi de Constantin Brancusi. La révélation vient deux ans plus tard, quand Man Ray, lui aussi installé à Paris, lui propose de devenir sa « tireuse » de laboratoire et qu’elle se passionne pour cet art jusque-là inconnu d’elle. Elle s’y impose avec une rapidité qui étonne, et elle expose dès 1928 au premier Salon indépendant de la photographie, au théâtre des Champs-Élysées. Une carrière de portraitiste mondaine s’offre à elle. Elle contribue aussi à faire connaître l’œuvre d’un confrère, le vieil Eugène Atget, qu’elle a connu juste avant sa mort (1927), dont elle est l’introductrice aux États-Unis, ce qui fonda sa réputation mondiale. L’influence d’Atget est sans doute pour quelque chose dans le choix du retour de cette « piétonne de Paris » vers son pays natal, c’est-à-dire, en fait, vers New York, qu’elle regarde désormais avec un œil attentif et empathique. Cette démarche lui vaut le soutien du « Projet artistique fédéral » (FAP) rooseveltien (Changing New York, 1939). Elle décède en 1991 dans le Maine.

Légende de l'image : Berenice Abbott lorsqu'elle vivait à Paris, 1927 © KEYSTONE-FRANCE/GAMMA RAPHO 

Brésiliens

La France a longtemps attiré les élites brésiliennes, dirigeants, intellectuels ou artistes au cours des xviiie et xixe siècles. Elle a également accueilli, depuis le xxe siècle, beaucoup d’étudiants grâce à la création de la Maison de l’Amérique latine en 1945, de l’Iheal (Institut des hautes études d’Amérique latine) en 1954 et à la construction de la Maison du Brésil à la cité universitaire de Paris. La dictature militaire (1964-1985) pousse des intellectuels, des artistes, des militants ainsi que des étudiants à émigrer en France. Ces dernières années ont vu arriver des cadres et, plus nouveau, des migrants économiques dont plusieurs femmes travaillant dans les services à domicile, et des footballeurs.

Les Brésiliens vivent surtout en Île-de-France mais ils se répartissent sur tout le territoire. Ils se retrouvent souvent autour de certains lieux de socialisation que sont les églises et les cafés brésiliens. La Guyane, département d’outre-mer, avec sa frontière amazonienne avec le Brésil, compte de nombreux migrants brésiliens espérant une vie meilleure, mais souvent illégaux, dont certains dans des orpaillages clandestins.

Britanniques

Les échanges migratoires entre la France et la Grande-Bretagne sont anciens. Déjà au Moyen Âge, une forte communauté estudiantine anglaise était présente à la Sorbonne. La France a toujours attiré, outre ces étudiants, des commerçants, aristocrates ou membres de la bourgeoisie britanniques pour des raisons non pas simplement économiques mais également politiques, religieuses, culturelles, voire thérapeutiques. Ensuite, à partir du xixe siècle, sont arrivés des ingénieurs, techniciens et cadres pour aider au développement du pays pendant la révolution industrielle.

Cette migration qualifiée demeure numériquement moins importante que celle des autres Européens (Italiens, Polonais, Portugais ou Belges) arrivés à la même période. Enfin, ces dernières années ont vu arriver des Britanniques issus de la middle class, en activité ou jeunes retraités, attirés par une meilleure qualité de vie. Ces derniers s’installent principalement en Dordogne mais ils sont également nombreux en Aquitaine, en Midi-Pyrénées, en Île-de-France, en Poitou-Charentes, en Bretagne, en Languedoc-Roussillon, dans le Nord-Pas-de-Calais ou dans des villes telles que Chamonix, Nice, Toulouse ou Saint-Germain-en-Laye. Résidants permanents ou propriétaires de résidences secondaires, ils constituent l’une des principales clientèles touristiques étrangères.

Calixthe Beyala (née en 1961) – Écrivaine

Née le 26 octobre 1961 à Douala au Cameroun, Calixthe Beyala est une romancière franco-camerounaise. À dix-sept ans, elle arrive en France et suit des études de lettres et de gestion. En 1987, elle publie son premier roman, C’est le soleil qui m’a brûlée. Elle a depuis obtenu le Grand Prix littéraire de l’Afrique noire pour Maman a un amant, le Grand Prix du roman de l’Académie française pour Les Honneurs perdus et le Grand Prix de l’Unicef pour La Petite Fille du réverbère. Outre sa carrière d’écrivaine, elle milite auprès de nombreuses associations pour la reconnaissance des droits des minorités visibles, des femmes, le développement de la francophonie et la lutte contre le sida. Elle est chevalier des Arts et des Lettres.

Légende de l'image : Portrait de Calixthe Beyala. Photo © Effigie / Bridgeman Images 

Cambodgiens

Protectorat français de 1863 à 1949, le Cambodge compose avec le Vietnam et le Laos, l’ancienne Indochine française. Contrairement aux Vietnamiens, les soldats cambodgiens sont très peu mobilisés dans les deux guerres mondiales. Pendant la période coloniale en revanche, puis de 1954 à 1975, des étudiants cambodgiens se forment dans les universités françaises. Parmi eux, quelques-uns devienneont les futurs dirigeants des Khmers rouges. La prise du pouvoir par ces derniers en 1975, les massacres qui suivent, ainsi que la poursuite des conflits poussent des centaines de milliers de personnes à quitter leur pays. Cette émigration forcée dure plusieurs années et touche des personnes aux statuts variés : paysans, employés, élites des régimes renversés ou personnes issues de la bourgeoisie sino-khmère.

Après s’être réfugiés dans des pays limitrophes du Cambodge, comme la Thaïlande, beaucoup rejoignent la France. Leur installation et leur insertion professionnelles sont alors facilitées par l’État et la reconnaissance du statut de réfugié leur est accordée de façon quasi systématique par l’Ofpra. Répartis sur l’ensemble du territoire national, les Cambodgiens sont accueillis pour plus des deux tiers dans des centres provisoires d’hébergement, comme à Toulouse.

Camerounais

L’immigration camerounaise en France a réellement commencé après l’indépendance (1960). L’État a envoyé plusieurs jeunes issus de milieux aisés pour se former dans les écoles et universités françaises afin de reprendre en main la gestion du pays. Les problèmes de gouvernance, de transparence et de crises économiques poussent certains à rester en France pour y travailler. En dehors des étudiants, plusieurs migrants camerounais arrivent en espérant de meilleures conditions de vie. 

Ces dernières années, beaucoup arrivent en France irrégulièrement, dans des conditions difficiles, en traversant notamment la Méditerranée. Les Camerounais vivent majoritairement en Île-de-France mais on les retrouve un peu dans le pays. L’immigration camerounaise a contribué au rayonnement de la France, notamment sur le plan culturel et sportif, avec des personnalités comme Manu Dibango (musicien), Calixthe Beyala (romancière).

Carla Bruni-Sarkozy (née en 1967) – Chanteuse et mannequin

Née le 23 décembre 1967 à Turin dans une riche famille d’industriels piémontais, Carla passe son enfance dans le château familial de Castagneto Po. Sa famille fait fortune dans l’entreprise familiale CEAT de câbles électriques gérée par son père Alberto Bruni Tedeschi. Sa mère Marisa Borini est pianiste concertiste. Fuyant le terrorisme des brigades rouges et le rapt dans les grandes familles turinoises, ils s’installent à Paris en 1973. A 19 ans, elle entame une carrière de mannequin pour l’agence parisienne City Models pour devenir une star de top model pendant une décennie. Elle pose pour les plus grands couturiers et devient vite très célèbre. Elle quitte la mode pour la musique en 1998. Elle connait depuis plusieurs succès : Quelqu’un m’a dit en 2002, No promises en 2007, Comme si de rien n’était en 2008, Little french songs en 2013, French Touch en 2017 et Carla Bruni en 2020.
Elle devient ambassadrice mondiale pour la protection des mères et des enfants contre le VIH, en 2008. En 2009, elle crée la Fondation Carla-Bruni-Sarkozy, chargée de promouvoir l’accès à la culture pour tous.

Cécile de France (née en 1975) – Comédienne

Née en 1975 à Namur, en Belgique, Cécile de France est une actrice de renommée internationale. Passionnée de comédie, elle quitte son pays natal pour Paris à l’âge de dix-sept ans. Elle prend des cours de théâtre puis intègre l’École nationale supérieure des arts et techniques du théâtre. À la fin de ses études, elle rencontre le producteur Dominique Besnehard qui l’introduit dans le monde du cinéma. Le film L’Auberge espagnole de Cédric Klapisch l’a fait connaître au grand public. Elle reçoit pour son rôle le prix Louis-Lumière et surtout le César du meilleur espoir féminin. Elle part, ensuite, aux États-Unis pour jouer aux côtés de Jackie Chan et Arnold Schwarzenegger dans Le Tour du monde en quatre-vingts jours. Les films s’enchaînent pour Cécile de France qui obtient des rôles dans, entre autres films, Fauteuils d’orchestre de Danièle Thompson, Un secret de Claude Miller, Mauvaise foi de Roschdy Zem, Les Poupées russes pour lequel elle reçoit un César du meilleur second rôle, Au-delà de Clint Eastwood, aux côtés de Matt Damon, Möbius avec Jean Dujardin, Django… Reconnue par ses pairs, Cécile de France est jurée à la Berlinale 2018. Elle est une des jeunes actrices les plus demandées et les plus actives du cinéma français avec plusieurs films par an. Elle entre dans l’édition 2020 du dictionnaire Larousse.

Légende de l'image : Cecile de France Cecile de France © Pool BENAINOUS/CATARINA/LEGRAND/GAMMA 

Charles-Édouard Jeanneret-Gris, dit Le Corbusier (1887-1965) – Architecte

Le Corbusier (Charles-Édouard Jeanneret-Gris) naît le 6 octobre 1887 à La Chaux-de-Fonds en Suisse. Sa formation d’architecte est autodidacte, faite de voyages et de rencontres. Il ouvre un premier cabinet à La Chaux-de-Fond en 1912, puis s’installe à Paris en 1917, où il se lie avec Auguste Perret, l’un des premiers architectes à utiliser le béton armé, et le peintre Amédée Ozenfant avec lequel il développe le purisme. Le Corbusier s’affirme autant comme architecte que comme peintre. Il publie en 1923 Vers une architecture, recueil de textes dans lequel il promeut une architecture contemporaine inscrite dans la société industrielle et anti-académique. Le Corbusier voit dans les techniques industrielles un moyen de standardisation de logements accessibles pour tous. S’il construit d’abord des habitats individuels, son attention se concentre sur les formes d’urbanisation autour du projet de « ville radieuse ». Sa réflexion met en son centre l’« unité d’habitation », un même bâtiment rassemblant tous les équipements collectifs nécessaires à la vie (Cité radieuse à Marseille, cité de Firminy-Vert dans la Loire). L’œuvre de Le Corbusier constitue un apport majeur à l’histoire de l’architecture et revêt une forte dimension patrimoniale consacrée par l’Unesco qui, en 2016, a classé dix-sept de ses constructions.

Légende de l'image : Le Corbusier en 1953 © Bridgeman Images 

Chinois

Les raisons de cette migration sont diverses. Dans les années 1910 et surtout 1920 et 1930, de jeunes Chinois privilégiés viennent étudier dans les universités françaises. Certains, surnommés les « étudiants-ouvriers », alternent études et travail en usine. Pendant la première grande guerre, la France bénéficie de l’apport des travailleurs Chinois. Plus de 100 000 travailleurs sous contrat viennent travailler à l’arrière et sur le front (construction et réparation de lignes de chemin de fer, services de santé, déminage des terrains, transports ou dépôts de munitions, terrassement des tranchées…). Leur statut est comparable à celui des soldats coloniaux. Environ 3 000 resteront en France après la guerre.

Toutefois, la vague migratoire la plus importante vient d’Asie du Sud-Est dans les années 1970. Une grande partie des Chinois de France ne sont pas venus de Chine, mais d’Indochine. De nombreux Chinois sont également arrivés en France avec un simple visa touristique ou parfois clandestinement via des réseaux clandestins et travaillent au noir (restauration, confection, nounous, garde d’enfants ou prostitution). Les Chinois habitent dans les zones urbaines et principalement en Île-de-France. À Paris, on les retrouve dans le 13e arrondissement, à Belleville (20e), dans le quartier Arts et métiers (3e) ; à Lognes, dans la banlieue est de Paris, 23 % de la population est d’origine asiatique.

Congolais (Brazzaville)

Le Congo-Brazzaville est une ancienne colonie française. Sa capitale politique et administrative, Brazzaville, fut celle de la France libre sous l’occupation nazie en 1944. Les liens historiques entre les deux pays ont favorisé l’émigration des Congolais vers la France. Les soldats congolais ont été enrôlés dans l’armée française (tirailleurs sénégalais) pour participer aux guerres coloniales et mondiales. Contrairement aux pays de l’Afrique de l’Ouest et du Maghreb, le Congo n’a pas bénéficié des recrutements de la main-d’œuvre d’après guerre. 

L’immigration congolaise en France est constituée d’étudiants, de stagiaires de la fonction publique congolaise, de familles des travailleurs (regroupement familial), de demandeurs d’asile politique, de membres des familles de Français, etc. L’autre catégorie d’immigrés concerne les « sapeurs » (société des ambianceurs et des personnes élégantes). Pour ces derniers, immigrer en France est déterminant dans la carrière de la sape. Les Congolais sont numériquement moins nombreux que les Sénégalais, les Maliens, les Ivoiriens et les Camerounais. Ils habitent principalement en Île-de-France : Seine-Saint-Denis, Val-d’Oise, Val-de-Marne, Paris, Essonne (Grigny et Ris-Orangis).

Congolais (RDC)

Contrairement à la république du Congo (Congo-Brazzaville), la République démocratique du Congo (RDC) n’est pas une ancienne colonie française mais belge. Les liens entre la France et ce pays ne sont donc pas très anciens. Les Congolais (RDC) viennent en France par proximité linguistique et culturelle. Certains sont également attirés par l’élégance à la française (notamment les sapeurs). C’est une immigration surtout économique car le pays connaît depuis de longues années des crises politiques et économiques successives.

Les Congolais (RDC) ont des statuts variés : réfugiés et leurs familles ; regroupement familial ; touristes qui finissent par s’installer ; ceux qui arrivent par voie irrégulière ; étudiants ; artistes (chanteurs, musiciens et danseuses) ; stagiaires envoyés par l’État et même des diplomates en fin de carrière. Ils sont, le plus souvent, employés ou ouvriers, commerçants ou chefs d’entreprise, et exploitent plusieurs secteurs, notamment l’alimentaire (boutiques exotiques), l’habillement (boutiques de mode), la beauté (salons de coiffure et soins corporels), les services (fret, transfert de fonds, etc.) ; cadres et autres professions supérieures intellectuelles, professions intermédiaires ; retraités et inactifs. Comme leurs voisins du Congo-Brazzaville, on les retrouve principalement en Île-de-France.

Constantin Brancusi (1876-1957) – Artiste

Pionnier de l’abstraction en sculpture, référence majeure des artistes surréalistes et minimalistes, Constantin Brancusi est né en 1876 dans un petit village d’Olténie, qu’il quitte très jeune pour étudier l’art, et la sculpture en particulier, à Craiova, Bucarest, Munich puis Paris, où il arrive le 14 juillet 1904. Vite persuadé qu’« il ne pousse rien dans l’ombre des grands arbres », Brancusi cherche et trouve sa propre voie entre 1909 et 1925 : il travaille sur des sujets sur lesquels il ne cesse ensuite de revenir, oiseaux, colonnes, baisers, en particulier. Les formes simples de ses œuvres, souvent ovoïdes, sont proches de réalisations primitives non occidentales, que Brancusi découvre alors. Situé impasse Ronsin dans le 15e arrondissement de Paris, son atelier devient progressivement aussi le lieu d’exposition de ses sculptures. Artiste international, Constantin Brancusi a participé à tous les principaux salons et manifestations artistiques occidentals de son temps. Dans les expositions à logique nationale, il représente la Roumanie : en 1913 à Munich pour l’Internationale Kunstausstellung, en 1924 à Venise à la Biennale. Mais dans les expositions collectives, il est présenté comme un artiste français, ainsi aux États-Unis en 1922 et en URSS en 1928. Constantin Brancusi décède à Paris en 1957.

Légende de l'image : Constantin Brancusi (1876 - 1957), sculpteur roumain. 1929 © Ullstein Bild / Roger-Viollet

Copyright

Coordination : Siré Diaw

Données INED : Chris Beauchemin, Arnaud Bringe, Steaven Lam

Le Musée national de l’histoire de l’immigration tient à remercier les personnes ayant contribué à la confection de ce dispositif par l’écriture ou la relecture des textes présentés :  Xavier Aurégan, Dimitri Béchacq, Kmar Bendana, Emmanuel Blanchard, Pascal Blanchard, Elisa Capdevila, Pierre-Frédéric Charpentier, Yves Chemla, Chantal Crenn, Odile Goerg, Catherine Gousseff, Yvan Gastaut, Sanja Boskovic Danojlic, Geneviève Dreyfus-Armand, Nicole Fouché, Mareike König, Thomas Lacroix, Maryla Laurent, Liêm-Khê Luguern, Delon Madavan, David Mahut, Emmanuel Ma Mung, Brice Arsene Mankou , Karine Meslin, Gérard Monnier, Stéphane Mourlane, Pascal Ory, Anton Perdoncin, Victor Pereira, Jean Radvanyi, Andrea Rea, Anne Rothenbühler, Betty Rouland, Stéphane de Tapia, Bruno Teissier, Emmanuelle Touati, Léon Tsambu, Julie Verlaine, Marie-Christine Volovitch-Tavares, Vasoodeven Vuddamalay

Une partie des notices biographiques présentées sont issues du recueil Portraits de France. Ces textes sont publiés avec l’accord de l’Agence Nationale de la Cohésion des Territoires (ANCT), du coordinateur scientifique du recueil, l’historien Yvan Gastaut, et du président du conseil scientifique du recueil, l’historien Pascal Blanchard.

Cristina Cordula (née en 1964) – Mannequin, animatrice télé

Née en 1964 à Rio de Janeiro, au Brésil, Cristina Cordula est une ancienne mannequin internationale et animatrice télé. Après des études de journalisme et de communication dans son pays, elle se lance dans le mannequinat. Elle travaille pour de grands courriers tels que Yves Saint Laurent, Christian Dior ou Coco Chanel. Après des voyages professionnels aux États-Unis et en Angleterre en 2002, Cristina s’installe en France avec son agence, Cordula Conseil. Sa collaboration avec la chaîne M6 commence en 2004. Elle y anime plusieurs émissions : Les Reines du shopping, Objectif : 10 ans de moins, La Robe de ma vie, Les Reines des enchères, Mission mariage, Cousu main, Surpriiise by Cristina, Nouveau look pour une nouvelle vie, et Magnifique by Cristina pour Teva. En 2015, elle rejoint comme pensionnaire Les Grosses Têtes de Laurent Ruquier sur RTL. Cristina Cordula est naturalisée française en 2018. Elle a également publié : #BeYourself (2019), Mon Look Book (2016), Style & allures (2014), Guide du Relooking. Spécial Rondes (2011), Les 50 Règles d’or du relooking (2011), Guide du relooking (2010) et 40 relooking pas à pas (2008).

Légende de l'image : Cristina Cordula lors du défilé Jean-Paul Gaultier Haute Couture Printemps / Été 2020 lors de la Fashion Week de Paris au Théâtre du Châtelet le 22 janvier 2020 à Paris, France © Patrick CHAPUIS/GAMMA-RAPHO 

Do Hûu Vi (1883-1916) – Militaire

Do Hûu Vi, né en 1883, est le quatrième fils de Dô Hûu Phuong, riche mandarin de Cholon, près de Saïgon en Indochine française. Il donne une éducation occidentale à ses fils qui font leurs études à Paris, au lycée Janson-de-Sailly. Do Hûu Vi entre à l’École spéciale militaire de Saint-Cyr en 1904. Sous-lieutenant d’infanterie en 1906, il est affecté au Maroc où il se distingue par son courage à la tête de sa section. Il se passionne aussi pour les aéroplanes et obtient, en 1911, son brevet de pilote délivré par l’aéroclub de France. Il revient, comme pilote militaire, au Maroc en 1912. Il démontre que l’avion est un moyen de reconnaissance remarquable en permettant, par les informations transmises rapidement, le dégagement d’une colonne bloquée par des rebelles. Au début de 1914, il retourne en Indochine pour faire des essais d’hydravion sur le Mékong et définir les bases d’une aviation aux colonies. Revenu en France, il participe à de nombreux vols de reconnaissance, faisant toujours preuve de ténacité. En avril 1915, il est victime d’un accident à l’atterrissage : bras gauche cassé, mâchoire et crâne fracturés. Le capitaine Do Hûu Vi est tué le 9 juillet 1916 dans la Somme, à la tête d’une compagnie de la Légion étrangère. En 1921, son frère, également officier, ramène son corps au Vietnam. Un timbre à son effigie sera produit pour lui rendre hommage.

Douce Dibondo (née en 1993) – Féministe

Née en 1993, Douce Dibondo est une journaliste indépendante d’origine congolaise qui se définit comme afroféministe queer radicale. Elle a toujours voulu travailler comme attachée de presse, journaliste, ou avoir une activité en rapport avec la sociologie. C’est pourquoi, après un baccalauréat littéraire, elle obtient une licence en sociologie (Tours), puis un master en science politique (Bordeaux) et un autre en information et communication (Nantes). Cette formation lui permet d’accumuler une expérience professionnelle dans divers domaines : pigiste pour les magazines Komitid, Paulette, TelQuel et Censored Magazine (2016) ; stage de six mois au sein du média afrocentré Nothing but the Wax, qui rapporte les récits de personnes noires et afrodescendantes (2017) ; projet « Géopolitique des écritures », lancé par Le Monde diplomatique (2017), etc. En 2018, elle participe au projet « L’Encyclopédie des migrants », lancé par l’artiste Paloma Fernández Sobrino et l’association rennaise L’Âge de la tortue, qui réunit 400 témoignages d’histoires de vie de personnes migrantes. Douce Dibondo est aussi cocréatrice du podcast Extimité où Anthony Vincent et elle donnent la parole à des personnes qui partagent leur intimité, leurs luttes et victoires face aux discriminations racistes, validistes, sexistes, ou liées à l’orientation sexuelle (LGBTphobie).

Eileen Gray (1878-1976) – Décoratrice

Eileen Gray est née en 1878 à Enniscorthy, dans le sud de l’Irlande alors encore rattachée au Royaume britannique. Depuis sa visite, en 1900, à l’Exposition universelle, Eileen Gray alterne, au cours de sa formation artistique, les séjours à Londres et à Paris, avant de s’y fixer en 1905. Son intérêt pour les techniques (laque, tapisserie, mobilier…) comme l’engouement des collectionneurs pour les arts décoratifs orientent ses choix. Décoratrice, elle expose au Salon des artistes décorateurs en 1913, accède aux commandes des personnalités du monde de la mode et du luxe et ouvre, en 1922, la galerie Jean-Désert, rue du Faubourg-Saint-Honoré. Dans les années suivantes, après sa rencontre avec les architectes de l’avant-garde hollandaise, elle abandonne la ligne d’une carrière typiquement Art déco et, avec l’aide de son compagnon Jean Badovici, élabore des projets d’édifice à l’agencement particulièrement ingénieux, dans un style moderne radical. Elle conçoit et dessine un mobilier à la fois raffiné et sommaire. Dans le nouveau contexte de l’accès aux loisirs, Eileen Gray est invitée en 1937 par Le Corbusier à exposer un projet de centre de vacances dans le cadre de son pavillon des Temps nouveaux. Les aléas du marché de l’art ont contribué à une redécouverte de l’œuvre d’Eileen Gray, décédée en 1976.

Légende de l'image : Eileen Gray, 1902 (b/w photo) by Gray, Eileen (1879-1976); National Museum of Contemporary Art, Lisbon, Portugal. Photo © Stefano Baldini / Bridgeman Images 

Espagnols

Les Espagnols viennent en France depuis le xixe siècle pour des raisons politiques et économiques. Pays frontalier, l’Espagne a longtemps été instable à cause des guerres civiles et des dictatures. Cette instabilité politique combinée à une industrialisation tardive a poussé des milliers de réfugiés et d’émigrés à traverser la frontière à la recherche de meilleures conditions de vie. Ils s’installent majoritairement dans les régions frontalières, en Île-de-France, dans les territoires français d’Afrique du Nord, principalement en Algérie. Ils travaillent dans l’agriculture, l’industrie, les mines, dans la construction, etc.

Le début du xxe siècle voit arriver en France de nombreux artistes ainsi que des républicains ou des anarchistes. L’immigration espagnole est essentiellement familiale. Une fois installés, les hommes font venir femmes et enfants. Le grand exode des exilés républicains de 1939 modifie considérablement le nombre et la composition socioprofessionnelle de la population espagnole en France. Ils sont rejoints après la guerre par d’autres opposants au franquisme. À partir des années 1960, des femmes seules arrivent pour travailler dans le service domestique (bonnes à Paris, Neuilly-sur-Seine, Bordeaux, Lyon ou Lille). Ces dernières font, à leur tour, venir leur famille. En 1968, les Espagnols sont la population étrangère la plus nombreuse. Après 1974, de nombreux Espagnols choisissent de rentrer chez eux avec le développement économique de l’Espagne et la prime de 10 000 francs du gouvernement français incitant les immigrés à retourner dans leur pays. La crise économique de 2008 pousse beaucoup de jeunes Espagnols vers les autres pays européens. Certains s’installent en France.

Fatéma Hal (née en 1952) – Cheffe cuisinière

Née en 1952 au Maroc, Fatéma Hal arrive en France en 1970. Elle se marie avec un lointain cousin, choisi par sa famille. Ils s’installent à Garges-lès-Gonesse, dans le Val-d’Oise. Mère de trois enfants, elle décide de reprendre ses études. Après avoir obtenu l’équivalence de son baccalauréat, elle commence des études de littérature arabe à l’université Paris-VIII. Elle poursuit ensuite sa formation universitaire à l’École pratique des hautes études pour obtenir un diplôme en ethnologie en 1979. Ayant divorcé en 1978, elle fait des petits boulots pour subvenir aux besoins de sa famille. Elle cuisine et vend des plats élaborés selon des recettes familiales, sert d’interprète arabo-français dans les hôpitaux et les centres de Protection maternelle et infantile, donne des cours d’arabe dans les banlieues, etc. Sa cuisine ayant déjà conquis son entourage, Fatéma Hal réalise son rêve en 1984 avec son restaurant le Mansouria dans le 11e arrondissement de Paris. Elle finance son projet par la vente de plats cuisinés et par un système de tontine, les banques lui refusant tout prêt. Son restaurant devient vite le temple de la gastronomie marocaine. Elle y accueille des événements culturels et implante son association pour former les jeunes femmes à la cuisine. Elle donne des conférences et intervient à la télévision en France et à l’étranger. Elle reçoit la Légion d’honneur en 2001.

Fatou Diome (née en 1968) – Ecrivaine

Fatou Diome est née en 1968 à Niodior, au sud-ouest du Sénégal. Après des études primaires, secondaires et une partie des études universitaires au Sénégal, elle arrive en France en 1994 et vit depuis à Strasbourg. Parallèlement à ses cours à l’université, l’écrivaine franco-sénégalaise se consacre à l’écriture. Après la parution d'un recueil de nouvelles La Préférence nationale, en 2001, le roman Le Ventre de l'Atlantique (2003) lui vaut une notoriété internationale. Elle donne ici la parole à une jeunesse sénégalaise piégée dans le désir d’Europe et ses mirages tragiques. Elle écrira ensuite, entre autres, Ketala (2006), Inassouvies nos vies (2008), Celles qui attendent (2010), Impossible de grandir (2013), Marianne porte plainte (2017), De quoi aimer vivre (2021). Fatou Diome écrit comme elle parle, avec fougue et sensibilité. Ses œuvres offrent une tribune à la femme africaine. Elle observe et critique aussi bien le Sénégal que la France. Les thématiques de l’immigration sont présentes dans ses œuvres (Le ventre de l’atlantique, Celles qui attendent, Les veilleurs de Sangomar).

Gao Xingjian (né en 1940) – Écrivain et artiste

Romancier, dramaturge, traducteur, metteur en scène et peintre, Gao Xingjian est né à Guangzhou (Canton) le 4 janvier 1940. Il est encouragé dans son art par sa maman, elle-même actrice. Il étudie dans les écoles de la République populaire et obtient un diplôme de français en 1962, à l’Institut des langues étrangères de Pékin.
Lors de la révolution culturelle, il est envoyé durant six ans en camp de rééducation à la campagne. Il n’est autorisé à partir à l’étranger qu’après la mort de Mao, en 1979. Il se rend alors en France et en Italie. Entre 1980 et 1987, il publie des nouvelles, des essais et des pièces de théâtre mais son avant-gardisme et sa liberté de pensée lui attirent les foudres du Parti communiste chinois.
Ses théories littéraires, exposées dans Premier essai sur l’art du roman (1981), vont à l’encontre des dogmes d’État et du réalisme révolutionnaire prôné par le régime. En 1987, il est contraint à l’exil et est depuis déclaré persona non grata sur le territoire chinois. Il vit en France depuis 1988, où il a obtenu l’asile politique, et publie en 1990 son grand roman, La Montagne de l’âme. En 1997, il obtient la nationalité française. Chevalier des Arts et des Lettres, il obtient le prix Nobel de littérature en 2000. Il est régulièrement invité à exposer ses œuvres dans de nombreux pays.

Légende de l'image : Gao Xingjian,11 avril 1997 © Louis Monier. All rights reserved 2023 / Bridgeman Images 

Gisèle Halimi (1927-2020) – Avocate et militante

Née Zeiza Gisèle Élise Taïeb le 27 juillet 1927 à La Goulette en Tunisie, Gisèle Halimi est une avocate et militante féministe franco-tunisienne. Après un baccalauréat à Tunis, elle poursuit ses études à la Sorbonne et à l’Institut d’études politiques de Paris. Elle devient avocate en 1948 et entre au barreau de Tunis en 1949, puis au barreau de Paris en 1956. Elle est connue pour avoir défendu des militants nationalistes du Front de libération nationale. Elle est l’avocate de Djamila Boupacha, accusée de tentative d’assassinat, violée et torturée par des militaires français. Elle signera le « Manifeste des 343 » en 1971, affirmant avoir déjà avorté et réclamant le droit à l’avortement. En 1972, elle est au « procès de Bobigny » l’avocate de Marie-Claire, accusée d’avoir avorté. Elle défend aussi deux jeunes femmes violées en 1978. Le viol devient un crime et non plus seulement un délit. Elle fonde avec Simone de Beauvoir la revue La Cause des femmes. Elle devient députée (1981-1984) puis défendra, dans ses fonctions d’ambassadrice de la France à l’Unesco puis à l’ONU, des propositions en faveur de la parité. Faite commandeur de l’Ordre national du mérite en 2009 et de la Légion d’honneur en 2012, Gisèle Halimi a toujours défendu la cause des femmes, des homosexuels et des luttes anticoloniales. Elle s’éteint à Paris en 2020.

Légende de l'image : L'avocate Gisèle Halimi entourée de journalistes à sa sortie du tribunal de Bobigny, le 22 novembre 1972 © KEYSTONE-FRANCE/GAMMA-RAPHO 

Gökşin Sipahioğlu (1926-2011) – Journaliste

Gökşin Sipahioğlu est né à Izmir en Turquie le 28 décembre 1926. Il commence à Istanbul une carrière de journaliste sportif et devient ensuite rédacteur en chef et directeur de journaux généralistes où, à son incitation, la photographie occupe une large part. Lui-même est saisi du démon du photoreportage et s’illustre par des scoops remarqués (Albanie, Cuba, Chine, etc.), qui installent sa réputation à l’échelle mondiale. Francophone, il s’installe à Paris, en 1966, comme correspondant du grand quotidien Hürriyet. Il couvre les événements de mai-juin 1968 : il reçoit une grenade en plein visage et perd plusieurs dents. Il couvre aussi les événements de Prague la même année. En 1969, Gökşin Sipahioğlu fonde sa propre agence photographique, Sipa. Il l’installe dans un studio des Champs-Élysées. Gökşin Sipahioğlu offre leur chance à de nombreux jeunes photographes et fait de Sipa Press une entreprise prospère. Les photographies de l’agence font souvent le bonheur de Paris Match ou VSD. Mais la conjoncture s’étant retournée, Gökşin Sipahioğlu vend son entreprise en 2001. Il meurt au moment où Sipa, comme ses consœurs, disparaît en tant qu’agence photographique.

Légende de l'image : Goksin Sipahioglu (1926-2011), grand-reporter turc et fondateur de l'agence photographique Sipa, dans son bureau. Paris, 1999 © Jean-Pierre Couderc / Roger-Viollet

Guillaume Apollinaire (1880-1918) – Écrivain (poète)

Guillaume Apollinaire est né à Rome en 1880. Durant ses premières années, l’enfant suit sa mère dans ses nombreux déplacements. Après la Côte d’Azur (1896-1897), le jeune homme s’installe en 1899 à Paris. Il est attiré par l’avant-garde littéraire et artistique. En 1907, deux romans érotiques signés des seules initiales « G. A. », Les Exploits d’un jeune Don Juan et Les Onze Mille Verges, signent sa véritable entrée en littérature. En avril 1913, son recueil Alcools assoit sa renommée dans les cercles littéraires. Apollinaire rédige des poèmes simultanéistes en disposant des syllabes sur une page, afin que les signes typographiques dispersés forment différentes figures géométriques, et publie son premier idéogramme, Lettre océan, en juin 1914. Quand éclate la guerre, l’écrivain veut s’engager dans l’armée française, mais son statut d’étranger le lui interdit. Une seconde démarche en décembre 1914 aboutit et enclenche le processus de naturalisation. Devenu artilleur, il rédige des poèmes où l’exaltation de la guerre moderne alterne avec le patriotisme. Alors qu’il vient juste d’être naturalisé français, il est gravement blessé à la tête par un éclat d’obus devant Berry-au-Bac, le 17 mars 1916, et doit être trépané. Affaibli par sa blessure, Guillaume Apollinaire décède le 9 novembre 1918 de la grippe espagnole.

Légende de l'image : Portrait d'Apollinaire, 1910 © Archives Charmet / Bridgeman Images 

Haïtiens

Du fait des relations historiques et culturelles entre Haïti et la France, ce pays devint à partir de 1804 un lieu de mobilités, de formation et de sociabilités prisé par les élites intellectuelles, économiques et politiques haïtiennes, jusqu’à la dictature duvaliériste (1957-1986). L’immigration haïtienne dans l’Hexagone devient numériquement significative au début des années 1980 du fait de plusieurs facteurs : les crises politiques successives de la transition démocratique après la chute des Duvalier ; la dégradation des conditions de vie sous l’effet conjugué d’un appauvrissement de la population, d’une économie sous perfusion et d’une suite continue de catastrophes naturelles. 

La diaspora haïtienne de France réside surtout en Île-de-France mais elle est également présente dans les grandes métropoles. Comme ailleurs dans les Amériques, les migrants haïtiens sont présents dans les départements d’outre-mer (Guadeloupe, Saint-Martin, Guyane, Martinique) depuis les années 1970, où les périodes d’immigration se situent à la croisée entre soubresauts de l’actualité haïtienne et mesures législatives visant à réguler l’entrée et la résidence sur ces territoires.

Henri Lopes (1937) – Ecrivain et universitaire

Né en 1937 à Léopoldville, Henri Lopes est un écrivain, universitaire et homme politique congolais.
Après avoir passé ses premières années d’écolier à Brazzaville et à Bangui, il arrive en France pour poursuivre ses études de 1949 à 1965. Il termine ses études universitaires à la Sorbonne en 1963 et y devient professeur. Il fréquente à Paris la librairie Présence Afrique et y découvre l’anthologie de la poésie africaine et malgache. Ses premiers textes sont influencés par Senghor, Césaire et Aragon. De retour au Congo, il occupe de hautes fonctions : professeur d'histoire à l'École normale supérieure d'Afrique centrale à Brazzavile, Directeur de l'Enseignement, Premier ministre. Au début des années 1980, Henri Lopes rejoint l’Unesco où il travaille pendant de longues années avant d’être nommé Ambassadeur du Congo en France en 1998.
Défenseur d’une Afrique métissée et d’une langue française en perpétuelle réinvention, il est l’un des grands noms de la littérature congolaise. Les principales œuvres d'Henri Lopès sont : Tribaliques, nouvelle (1972) ; La nouvelle romance, roman (1976) ; Sans tam-tam, roman (1977) ; Le pleurer-rire (1982), Le chercheur d'Afriques (1990), Sur l'autre rive (1992), Le Lys et le Flamboyant (1997) ; Dossier classé (2002) ; Ma grand-mère bantoue et mes ancêtres gaulois (2003), Une enfant de Poto-Poto (2011), Prix de la porte dorée.
Henris Lopès reçoit pour son œuvre de romancier le Grand Prix de la francophonie de l’Académie Française en 1993.

Indiens

Les Indiens en France sont moins nombreux que les autres communautés asiatiques comme les Chinois ou les Vietnamiens. Ils sont très hétérogènes. Beaucoup d’Indiens viennent des anciens comptoirs français (Mahé, Pondichéry, Chandernagor, Karikal et Yanaon), des départements d’outre-mer (La Réunion, Antilles, Guyane), avec souvent la nationalité française. D’autres, étrangers, munis ou dépourvus de papiers, sont originaires de différentes parties de l’Inde. La religion joue un rôle majeur dans cette communauté. Les uns, bien intégrés, sont artistes, écrivains, ingénieurs, informaticiens, journalistes, chercheurs, étudiants, professeurs, traducteurs, interprètes, éditeurs, cinéastes, scientifiques, militaires, etc., tandis que d’autres, moins qualifiés, travaillent comme coursiers, manutentionnaires, vendeurs de journaux à la criée, plongeurs dans les restaurants, distributeurs de prospectus, ouvriers dans les ateliers de confection, commerçants (épiceries, restaurants, pâtisseries, agences de voyages, magasins de tissus), etc. Ils se sont massivement installés à Paris et en Île-de-France. Ils jouent un rôle important dans le développement du cricket en France, où les acteurs de ce sport joueurs, clubs, fédération, sont essentiellement d’origine indienne.

Italiens

Les Italiens ont constitué la première nationalité étrangère en France depuis le recensement de 1901 jusqu’à celui de 1968. La France est leur première destination en Europe. Ils viennent majoritairement du nord de l’Italie, du Piémont, de Toscane, de Lombardie, d’Émilie-Romagne, de Vénétie, puis après la Seconde Guerre mondiale, plus largement des régions méridionales. L’accueil n’a pas toujours été bon. Ils sont victimes, à la fin du xixe siècle, d’une xénophobie parfois violente (vêpres marseillaises en 1881, massacre d’Aigues-Mortes en 1893, troubles dans la région lyonnaise après l’assassinat du président Sadi Carnot par un anarchiste italien en 1894).

Les Italiens sont venus travailler dans divers secteurs de l’industrie, dans le bâtiment et les travaux publics, ainsi que dans l’agriculture. Aux motifs économiques s’ajoutent et parfois se superposent des raisons politiques dès le xixe siècle puis avec l’installation du régime de Mussolini dans les années 1920. D’abord concentrée dans le sud-est de la France et en région parisienne ainsi que dans les territoires coloniaux d’Afrique du Nord, la présence italienne essaime après la Première Guerre mondiale sur l’ensemble de l’Hexagone. Au cours des deux conflits mondiaux, nombreux sont ceux qui se sont engagés aux côtés de la France, au sein de la Légion garibaldienne en 1914 ou dans la Résistance au début des années 1940. Après l’interruption des flux migratoires transalpins au début des années 1960, depuis quelques années, c’est au tour de jeunes italiens diplômés et urbains de venir s’installer en France.

Ivoiriens

Colonisés par la France, les Ivoiriens sont arrivés tardivement dans l’Hexagone en comparaison d’autres populations immigrées africaines. Avant les années 1990, ils étaient principalement des étudiants et hommes d’affaires qui avaient vocation à rentrer dans leurs pays. Longtemps considérée comme la locomotive de l’Afrique de l’Ouest, la Côte d’Ivoire est un pays riche qui accueille des immigrés venus de la sous-région (Burkinabés, Maliens, Guinéens, Sénégalais, etc.). 

La crise économique et les instabilités politiques ont poussé de nombreux Ivoiriens à quitter leur pays pour une vie meilleure en Occident, et notamment en France. Principalement concentrés en Île-de-France, les Ivoiriens présentent des profils socio-économiques très divers : étudiants et élites, employés dans la restauration ou la construction, dans le secteur de la petite enfance, dans des entreprises de nettoyage ou encore de gardiennage.

Jacques Brel (1929-1978) – Musicien

Jacques Brel est né le 8 avril 1929 en Belgique. Devenu adulte, son père lui trouve une place comme ouvrier, mais lui souhaite devenir chanteur. Malgré la désapprobation de ses parents, il propose même ses propres compositions lors de ses premiers concerts. Ne rencontrant pas le succès en Belgique, il débarque à Paris, en 1955, pour tenter sa chance. En 1956, Jacques Brel enregistre son premier succès, Quand on n’a que l’amour : une consécration qui lui ouvre les portes d’une carrière musicale. Après les années de « galérien des galas », il rencontre enfin son public. À Bobino, en 1959, il chante pour la première fois Ne me quitte pas et La Valse à mille temps. Les titres phares suivent avec Les Bourgeois et Madeleine en 1962, Les Vieux et La Fanette en 1963, Amsterdam en 1964 ou Ces gens-là en 1965. Malgré la richesse de ses textes, il refuse d’être considéré comme poète et se revendique chansonnier. En 1966, il fait ses adieux à la scène mais il continuera d’honorer ses contrats jusqu’en 1967. Il poursuit néanmoins l’écriture de chansons, notamment Vesoul en 1968. Il s’essaie au théâtre en mettant en scène L’Homme de la Mancha cette même année. Il obtient un rôle dans le film de Claude Lelouch L’Aventure c’est l’aventure en 1972. Au cours de ce tournage, il rencontre l’actrice Maddly Bamy avec qui il passera ses dernières années sur les îles Marquises. Brel est décédé le 9 octobre 1978.

Légende de l'image : Jacques Brel devant l'Olympia de Paris en 1965 © Giancarlo BOTTI/GAMMA RAPHO 

Jacques Rabemananjara (1913-2005) – Écrivain

Jacques Rabemananjara voit le jour en 1913 à Maroantsetra, à Madagascar. Il se rend à Paris en 1939 au sein de la délégation malgache invitée pour célébrer les 150 ans de la Révolution française. Il entreprend alors à la Sorbonne des études de lettres classiques et en 1942 paraît son premier recueil, Sur les marches du soir. Aux côtés d’Alioune Diop, Aimé Césaire ou Léopold Sédar Senghor, Jacques Rabemananjara fait partie des initiateurs de Présence africaine, mouvement voulant affirmer l’émergence culturelle du monde noir qui donne naissance à la revue éponyme en 1947 et à une maison d’édition. Il est élu en 1946 député de Madagascar à l’Assemblée nationale française. Lors de l’insurrection réprimée de 1947, il est condamné aux travaux forcés à perpétuité et ne bénéficie d’une amnistie qu’en 1956 sans possibilité de retourner à Madagascar. Il a publié des recueils Antsa (1948), Lamba (1956) et Antidote (1961), ainsi qu’une pièce de théâtre, Les Boultriers de l’aurore (1957). À l’indépendance, en 1960, il devient député, puis occupe successivement les postes de ministre de l’Économie, de l’Agriculture et des Affaires étrangères. En 1988, son œuvre littéraire est couronnée par le Grand Prix de la francophonie de l’Académie-Française. Jacques Rabemananjara s’éteint à Paris en 2005.

Légende de l'image : Jacques Rabemananjara, poête et homme politique malgache, 1959 © Boris Lipnitzki / Roger-Viollet

James Baldwin (né en 1924-1987) – Écrivain

James Baldwin est un romancier, essayiste, poète et dramaturge américain né à Harlem en 1924. En 1948, fuyant le racisme, il quitte New York pour Paris, où il écrit Chronique dun pays natal et achève La Conversion. Victime de discrimination depuis sa plus tendre enfance, James Baldwin aborde les relations entre les races, ainsi que les pressions sociales et les difficultés d’intégration qu’il a subies sous l’effet du racisme et en raison de son homosexualité, dans ses œuvres capitales des années 1955-1965, La Chambre de Giovanni, Chronique dun pays natal, Personne ne sait mon nom, Un autre pays.
De retour aux États-Unis en 1957 pour participer au Mouvement des droits civiques, il vit ensuite entre plusieurs capitales, New York, Paris et Istanbul, voyageant, ne cessant d’écrire. Lauréat du prix George-Polk en 1963, il devient professeur de littérature et études afro-américaines à l’université du Massachusetts à Amherst en 1983. En 1986, il est décoré de la Légion d’honneur. Il meurt l’année suivante à Saint-Paul-de-Vence, où il était installé depuis 1970. James Baldwin a influencé de nombreux artistes, intellectuels et personnalités, notamment français et américains.

Légende de l'image : James Baldwin, 1963 © CSU Archives/Everett Collection / Bridgeman Images 

Larbi Ben Barek (1917-1992) – Sportif (footballeur)

Né à Casablanca en 1917, Larbi Ben Barek commence à jouer au Football Club El Ouatane. Après des saisons à l’Idéal Club puis à l’Union sportive marocaine de Casablanca, il devient une vedette du football nord-africain. En 1937, un match opposant une sélection marocaine à l’équipe de France B lui vaut ses premiers articles élogieux dans la presse métropolitaine. Convoité par plusieurs clubs professionnels de l’Hexagone, Larbi Ben Barek s’engage en 1938 à l’Olympique de Marseille pour devenir la première grande star du Championnat de France. Il portera rapidement le maillot bleu : ce sera en décembre 1938 à Naples face à l’Italie (défaite 0-1). Durant la Seconde Guerre mondiale, Larbi Ben Barek trouve refuge à Casablanca et remporte les titres de champion du Maroc et d’Afrique du Nord en 1942, avec l’US marocaine. À la Libération, il signe au Stade français (1945-1948). Cosmopolite, il est l’un des premiers footballeurs français à s’aventurer à l’étranger en signant en 1948 à l’Atlético de Madrid, pour un montant record de 17 millions de francs. Il remporte le championnat en 1950 et 1951. Il termine sa carrière en Algérie, au Maroc puis en Belgique, avant de devenir entraîneur. La « Perle noire de Casablanca » disparaît en 1992 au Maroc dans un extrême dénuement. Lors de la Coupe du monde 1998, la Fifa lui rend un hommage solennel.

Lazare Ponticelli (1897-2008) – Soldat

Né le 24 décembre 1897 à Bettola, près de Piacenza en Italie, Lazare Ponticelli est orphelin de père et la famille compte sept frères et soeurs. En 1906 ou 1907, il arrive en France. Il a neuf ans. Il est seul, sans papiers, ne sait ni lire ni écrire et encore moins parler français. Tenaillé par la faim, sans un sou en poche, il trouve d’abord du secours auprès de Madame Colombo, qui tient un café à côté de la gare de Lyon, puis trouve un premier emploi comme ramoneur. Quand la France entre en guerre en 1914, Lazare Ponticelli, comme son frère, décide de s’engager dans la Légion étrangère pour défendre son pays d’adoption. Il se retrouve dans le régiment garibaldien aux côtés de migrants italiens et de son frère. Il combat dans la région de Soissons et en Argonne. Démobilisé en mai 1915 (la légion garibaldienne a été dissoute le 17 mars 1915), lorsque l’Italie entre en guerre, il est contraint de rejoindre l’armée italienne : affecté dans les Alpini, il combat contre les Autrichiens dans les Dolomites. Lazare Ponticelli est blessé mais, volontaire et courageux, il revient dans son unité et participe à la bataille décisive de Monte Grappa en 1918.

Démobilisé, il revient en France en 1920. Il sera décoré en mai 1917 de la barrette de guerre, médaille de guerre pour l’Unité italienne, et recevra la croix du mérite de guerre en novembre 1918, ainsi que la médaille Interalliés de la victoire en juin 1921. Lors du déclenchement de la guerre en 1939 et alors qu’il vient à peine d’être naturalisé français, il veut encore s’engager mais, à soixante ans, il est jugé trop âgé par le bureau de recrutement. Toutefois, en 1942, il rallie la Résistance. Quand Lazare Ponticelli disparaît, le 12 mars 2008, à l’âge de cent-dix ans, la France perd son dernier poilu. Il lui avait été proposé une inhumation au Panthéon, mais il avait refusé. L’homme que l’on enterre le 17 mars 2008 est le dernier combattant français de la Grande Guerre. Le président de la République Nicolas Sarkozy lui rend alors hommage dans la cour de l’hôtel des Invalides à Paris et déclare : « Nul n’entendra plus le vieux poilu dire à ses petits-enfants ou à ses arrière-petits-enfants : ne faites plus jamais la guerre». En novembre 1921 il avait créé avec ses frères l’entreprise Ponticelli Frères, spécialisée dans le montage des cheminées d’usine et s’installe en atelier à Ivry-sur-Seine, puis Vitry-sur-Seine. L’entreprise constitue, encore aujourd’hui, l’un des plus grands groupes français, avec plusieurs milliers de salariés. (texte tiré de Portraits de France)

Le PHÔ (1907-2001) – artiste

Le Pho est né en 1907, à Hadong, près de Hanoï. En 1915, il intègre l'Ecole des Beaux-Arts d’Indochine et suit au sein de la première promotion de l’établissement, les cours de Victor Tardieu et Jospeh Inguimberty jusqu’en 1930. Il y reçoit une éducation artistique qui l’initie aux techniques occidentales de l’huile sur toile notamment ainsi qu’à la tradition plastique asiatique.
Présent à l’Exposition Coloniale de 1931 à Paris aux côtés de Victor Tardieu, le peintre vietnamien effectue plusieurs voyages en France, en Belgique, aux Pays-Bas et en Italie durant lesquels il découvre la peinture occidentale qui marquera durablement son approche artistique. Après un voyage déterminant à Pékin en 1934, son style, fortement influencé par la tradition picturale chinoise, s’affirme. En 1937, fort de ses découvertes internationales, l’artiste s’installe finalement à Paris.
Ses œuvres, prisées par les collectionneurs, sont exposées en Europe et aux Etats-Unis. On retrouve ses créations aux musées d'art moderne de paris, du Vietnam ou au Centre d'art d'Ottawa. Le Pho meurt à Paris le 12 décembre 2001.

Léopold Sédar Senghor (1906-2001) – Homme politique, poète

Né à Joal au Sénégal, Léopold Sédar Senghor, naturalisé français en 1932, premier Africain à avoir obtenu l’agrégation de grammaire en 1935, reste dans l’histoire comme l’un des pères de la « négritude ». Après avoir commencé sa carrière de professeur au lycée Descartes de Tours, il est muté au lycée Berthelot de Saint-Maur-des-Fossés. Outre son enseignement, il se consacre à l’écriture d’essais et de poèmes. Lorsque la guerre est déclarée en 1939, il est incorporé au sein d’un régiment de tirailleurs. Le 20 juin 1940, il est fait prisonnier avec son unité à La Charité-sur-Loire, près de Bourges. Au cours de sa captivité entre juin 1940 et février 1942, dans les Frontstalags de Romilly-sur-Seine, de Troyes, puis d’Amiens et de Poitiers, Léopold Sédar Senghor continue d’écrire, notamment des poèmes, qui constitueront le recueil Hosties noires, publié en 1948. Une fois libéré, Léopold Sédar Senghor s’engage dans le Front national universitaire pour soutenir la Résistance. En 1945, il devient député de la IVe République. Grand défenseur de la francophonie, Léopold Sédar Senghor devient membre de l’Académie-Française en 1983. Occupant diverses fonctions dans les gouvernements d’Edgar Faure puis encore sous la Ve République dans le cabinet Michel Debré, il est enfin élu président de la République du Sénégal. Il est décédé à Verson en 2001.

Légende de l'image : Léopold Sédar Senghor en juin 1983 © Micheline PELLETIER/GAMMA 

Lorette Fonseca (1936-2001)

Lorette et son mari Carlos, deux professeurs, quittent le Portugal pour fuir la dictature. Après un passage par l’Algérie, ils arrivent en France, en 1965, avec leurs cinq enfants et s’installent à Massy où résident plus de 1 000 immigrés portugais et maghrébins. L’État lance, dans les années 1970, une opération de destruction des bidonvilles dans la région parisienne. Comme dans tous les autres bidonvilles, une des premières mesures consiste à exercer des pressions diverses sur les immigrés pour les amener à quitter les bidonvilles sans leur offrir d’alternative : menaces de retrait du permis de séjour ou de démolition des baraques qui les abritent, etc. Lorette aide ses compatriotes à faire les démarches administratives et à se défendre contre les abus et injustices dont ils étaient victimes. Elle fait partie du comité de défense du Bidonville. Les pressions s’exercent sur elle durant plusieurs années : menaces d’expulsion et difficultés de prolongation des permis de séjour. Soutenue par un comité de défense, Lorette résiste et finit par rester en France. La ville de Massy a donné le nom de Lorette Fonseca à l’allée principale du parc Georges-Brassens, là où était installé le bidonville des Portugais. Son histoire a fait l’objet d’un documentaire, Laurete et les autres, réalisé en 1973 par Dominique Dante.

Malgaches

Fortement implantés à La Réunion et à Mayotte, les Malgaches sont la quatrième nationalité africaine présente en France après les Algériens, les Marocains et les Tunisiens. Cette importante présence dans ces deux territoires d’outre-mer s’explique par une proximité géographique. Invisibles dans la société française, ils occupent pourtant des emplois qualifiés (dans l’administration, la recherche, l’enseignement) et vivent un peu partout dans l’Hexagone mais plus spécialement en région parisienne, bordelaise et toulousaine.

Pour la plupart chrétiens, ils occupent des places importantes dans les mouvements associatifs cultuels malgaches de France. La présence féminine y est grande. Elle s’explique par le nombre important de mariages mixtes (motif de migration). Ancienne colonie française, Madagascar a envoyé beaucoup d’étudiants et d’étudiantes dans les universités françaises dès les années 1950 et a contribué aux différents conflits mondiaux en fournissant des soldats coloniaux à la métropole. Avec la détérioration des conditions de vie et l’augmentation de la pauvreté dans leur pays, les étudiants et étudiantes choisissent le plus souvent de rester travailler en France après leurs études.

Maliens

Les Maliens migrent peu en dehors de l’Afrique. Leurs principaux pays d’émigration sont la Côte d’Ivoire, le Burkina Faso, le Sénégal et le Gabon, etc. Les Maliens de France sont les plus nombreux en Europe. La majorité est originaire de la région de Kayes, frontalière avec le Sénégal et la Mauritanie. Les conditions de vie dans cette zone aride et désertique poussent, depuis les années 1960, des milliers de personnes vers la France pour subvenir aux besoins de leurs proches. À partir des années 1980, les profils sociologiques des migrants maliens ne cessent de se diversifier.

Ces profils se composent non plus seulement d’hommes, de ruraux ou d’ouvriers spécialisés, mais aussi – et de plus en plus – de femmes, de familles et de jeunes citadins ayant souvent un niveau de qualification plus élevé que leurs prédécesseurs (avec par exemple des diplômes allant du baccalauréat au doctorat). Les hommes seuls originaires des villages du Mali ont plutôt tendance à vivre dans les foyers d’immigrants, notamment en Île-de-France. En revanche, des familles sont logés dans des appartements et le plus souvent en HLM. Beaucoup viennent légalement en France, entre autres par le regroupement familial, mais malgré le durcissement des politiques migratoires en Europe, des Maliens rejoignent l’Hexagone par voie irrégulière (notamment en traversant la Méditerranée à bord d’embarcations de fortune). En France, certains occupent les métiers les plus difficiles, pendant que d’autres, en fonction de leurs qualifications professionnelles, ont des emplois plus valorisants. Presque tous participent au développement de leur pays, par exemple en construisant des infrastructures dans leur localité (hôpitaux, écoles, mosquées, châteaux d’eau, puits, électrification…), ou encore en envoyant des fonds à leur famille. Leurs contributions sont plus importantes que l’aide publique au développement.

Marguerite Abouet (née en 1971) – Écrivaine, scénariste et réalisatrice

Marguerite Abouet est née en 1971 à Abidjan où elle a passé les douze premières années de sa vie. Ses parents décident de l’envoyer en France pour continuer ses études. Installée à Paris en 1983, elle termine ses études scolaires et universitaires et devient assistante juridique dans un cabinet d’avocats. Sa carrière commence par la publication, en 2006, du premier tome d’Aya de Yopougon qui remporte le prix Révélation au festival d’Angoulême. Elle est tombée dans l’écriture par hasard : « À 17 ans, je vivais dans une chambre de bonne et ma vieille télé est tombée en panne. J’ai donc commencé à écrire, plus pour ne pas devenir folle entre ces quatre murs que par réelle passion de l’écriture. Au début, je racontais mes souvenirs d’enfance, puis j’y ai pris goût et me suis mise à relater tout ce que je voyais et entendais, dans le métro, la rue… C’est devenu une forme de thérapie. » Six autres tomes suivent ainsi que leur adaptation en film d’animation (2013). D’autres publications paraissent : premiers volumes d’Akissi et de Bienvenue (2010), de Commissaire Kouamé (2017), de Terre gâtée (2017), etc.
Depuis quelques années, Marguerite Abouet est également très investie dans son association Des livres pour tous, qui œuvre à la mise en place de bibliothèques de quartier dans les villes africaines.

Marie Curie (1867-1934) – Universitaire (chercheuse)

Marie Curie (née Maria Sklodowska) naît en 1867 à Varsovie. Arrivée à Paris à vingt-quatre ans pour poursuivre ses études, elle est reçue première, en 1893, à la licence de physique puis seconde l’année suivante à celle de mathématiques. En 1895, elle épouse Pierre Curie, enseignant à l’École de physique et chimie industrielles de la ville de Paris, à qui elle donnera deux filles, tout en menant de front la préparation d’une thèse sur les rayonnements émis par l’uranium, découverts par Henri Becquerel. Travaillant quinze heures par jour, dans un laboratoire encore mal équipé, sur la radioactivité de la pechblende, le couple découvre, en 1898, le polonium, puis le radium, ce qui lui vaut en 1903, conjointement avec Henri Becquerel, le prix Nobel de physique. Après le décès accidentel de Pierre, en 1906, Marie Curie lui succède, non sans difficultés, à la chaire de physique en Sorbonne, devenant la première femme à occuper ce poste. L’Académie des sciences, où siégeait également Pierre, se refuse par contre à elle. En 1911, Marie Curie obtient, fait toujours unique à ce jour, un second prix Nobel, en chimie. Elle meurt prématurément en 1934. En 1995, les cendres de Marie et Pierre Curie sont transférées au Panthéon.

Légende de l'image : Marie Curie dans son laboratoire, 1920 © Bridgeman Images 

Marocains

L’immigration marocaine en France est moins importante comparée à celle des Algériens, même si le Maroc et la France entretiennent des relations depuis le XVIIe siècle. Le pays était sous protectorat français (traité de Fès du 30 mars 1912), ce qui a entraîné une importante mobilisation des soldats marocains dans les deux conflits mondiaux et l’immigration qui a suivi entre les deux guerres. D’abord masculine et rurale, concentrée dans les mines, la sidérurgie, l’agriculture et l’industrie automobile, cette immigration est devenue, au fil du temps, plus nombreuse, plus urbaine et plus qualifiée. Ce changement a surtout eu lieu après 1975 avec l’arrivée des familles par le biais du regroupement familial. On retrouve les Marocains un peu partout en France mais surtout en Île-de-France, en Provence-Alpes-Côte d’Azur, dans le Nord-Pas-de-Calais, dans le Doubs.

Mercedes Erra (née en 1954) – Femme d’affaires

Née en Catalogne, Mercedes Erra arrive en France avec ses parents à l’âge de six ans. Elle est diplômée d’HEC et de la Sorbonne. Présidente exécutive de Havas Worldwide, elle est spécialisée dans la gestion des grands comptes. Elle fonde en 1995 avec Rémi Babinet et Éric Tong Cuong l’agence BETC Euro RSCG spécialisée dans la communication et la publicité. Elle est aussi membre actif du comité français de Human Rights Watch, un des membres fondateurs du Women’s Forum for the Economy and Society, membre permanent de la Commission sur l’image des femmes dans les médias, présidente du conseil d’administration du Musée national de l’histoire de l’immigration. Par ailleurs, elle est présidente de l’association pour les actions de la filière « Communication ». Elle est vice-présidente du conseil d’administration de la Commission nationale française pour l’Unesco, membre du conseil d’administration de la fondation du Collège de France, de la fondation Engagement médias pour les jeunes. Mercedes est également administratrice du théâtre du Châtelet, de l’Opéra-Comique et de l’association Anvie, membre du Comité d’investissement du fonds de dotation de la Bibliothèque nationale de France, membre du conseil de surveillance de La Roche-Bobois et du conseil d’orientation du comité Médicis. Mercedes Erra est officier de la Légion d’honneur et officier de l’Ordre national du Mérite.

Milovan Danojlić (né en 1937) – Poète, romancier et traducteur

Milovan Danojlić (en serbe cyrillique : МИЛОВАН ДАНОЈЛИЋ), né le 3 juillet 1937 à Ivanovci près de Ljig (la région de la Serbie centrale, Šumadija), est un poète, romancier et traducteur serbe vivant en France depuis 1984. Il est auteur de plus de 70 ouvrages de fiction et de poésie dont certains sont traduits en français : Lettres d’un village serbe (1990), La Fuite du temps dans le grondement des camions (1993), Seule la lumière (2010), etc. Il est lauréat d’une quarantaine de prix nationaux et internationaux. Milovan Danojlić a traduit en serbe les œuvres de Claudel, de Baudelaire, d’Aragon, de Cioran, etc. Milovan Danojlić est membre de l’Académie serbe des sciences et des arts.

Nagaluxmy Sivasamboo (née en 1956) – Militante

Nagaluxmy Sivasamboo est née à Sri Lanka en 1956. Elle appartient à la minorité ethnique tamoule. Elle obtient son diplôme d’ingénieur de génie civil à l’université de Moratuwa (Sri Lanka) en 1979 et arrive en France en 1981. La guerre civile qui éclate à Sri Lanka entre les Tamouls et les Cinghalais l’oblige à rester en France et à demander l’asile politique. À cette période, l’afflux de Tamouls originaires du Sri Lanka augmente considérablement suite aux émeutes de 1983. Elle devient alors active politiquement et culturellement au sein de la diaspora tamoule. Elle cofonde Exil Publication qui a publié plusieurs ouvrages depuis 1992. Elle a également été coéditrice de différents magazines tamouls, Exil à partir de 1995 et Uyir Nizhal à partir de 2000, toujours en lien avec la culture tamoule, l’art et la politique. Elle a toujours été une membre active de la diaspora tamoule dans le cadre de la Tamil Literature Conference depuis la fin des années 1980. Elle a également écrit de nombreux articles littéraires et politiques et a également traduit de nombreux articles et des nouvelles depuis l’anglais ou le français vers le tamoul. La plupart ont été publiés dans des magazines et des webzines de la diaspora tamoule. En 2008, elle cofonde l’association Exil Image, à travers laquelle elle a produit deux courts-métrages et un long-métrage.

Nina Berberova (1901-1993) – Écrivaine

Née en 1901 à Saint-Pétersbourg, Nina Berberova vit, adolescente, les tourments de la révolution et de la guerre civile. Considérée par le régime comme appartenant à l’intelligentsia bourgeoise, elle doit quitter l’Union soviétique en 1922 avec son mari, le poète Vladislav Khodassevitch, pour vivre à Berlin puis à Prague. Arrivés à Paris en 1925, ils n’ont qu’un statut d’apatrides et traversent des années difficiles. En cette fin des années 1920, Nina Berberova vit d’emplois précaires à Billancourt au contact des émigrés russes pauvres. Il faudra attendre 1992 pour que Bijankurskie prazdniki soit enfin publié en français sous le titre Chroniques de Billancourt. De 1932 à 1938, l’écrivaine publie trois romans en russe, qui retiennent l’attention de la critique, tandis que, en 1936, sa biographie de Tchaïkovski suscite le débat en évoquant ouvertement l’homosexualité du musicien. Ne s’estimant pas reconnue à sa juste valeur en France, Nina Berberova décide d’émigrer en 1950 aux États-Unis, où elle enseigne le russe à l’université de Yale en 1958 et reçoit la nationalité américaine l’année suivante. Ce n’est qu’à partir de 1985 que ses écrits sont enfin redécouverts en France. En 1989 paraît son autobiographie. Nina Berberova décède en 1993, à l’âge de quatre-vingt-douze ans.

Légende de l'image : Nina Berberova (1901-1993), écrivaine russe. 1988 © Irmeli Jung / Roger-Viollet

Oscar Niemeyer (1907-2012) – Architecte

Né à Rio de Janeiro le 15 décembre 1907, Oscar Ribeiro de Almeida de Niemeyer Soares, dit Oscar Niemeyer, diplômé de l’école des Beaux-Arts de Rio en 1934, est l’un des plus fameux architectes du xxe siècle. Son œuvre est influencée par Le Corbusier et le mouvement dit « style international ». Ce dernier est fondé sur le principe d’une construction en rupture avec le passé, peu ou pas ornementée, recourant en particulier au béton, à l’acier et au verre. En 1944, il est la figure en vue de l’exposition sur l’architecture brésilienne présentée au MoMA de New York. Cette reconnaissance lui vaut de participer à la conception du siège des Nations unies (1952). Parmi ses œuvres, la conception et la réalisation de la nouvelle capitale administrative du Brésil, Brasilia, en collaboration avec l’urbaniste Lucio Costa (1960). Mais l’arrivée au pouvoir, au Brésil, d’une junte militaire, force le communiste qu’il est à l’exil. Avec l’appui d’André Malraux, il est accueilli en France. Il y réalise des projets notables : le siège du Parti communiste à Paris (1965-1980), la Bourse de Bobigny (1974-1978) ou la Maison de la culture du Havre (1978-1982). Dans le même temps, il développe une ligne de meubles design avec sa fille et mène des projets dans de nombreux pays. Il est mort le 5 décembre 2012 dans sa ville natale.

Légende de l'image : Oscar Niemeyer dans son atelier à Canoas, janver 1965 © Farabola / Bridgeman Images 

Pablo Picasso (1881-1973) – Artiste

Pablo Ruiz Picasso est né à Malaga en 1881. Son père, conservateur de musée puis professeur de peinture à l’école des Arts et métiers, le poussera à composer ses premiers tableaux comme Le Petit Picador jaune à huit ans. Plus tard, il étudie à l’école des Beaux-Arts de Barcelone. Alors que sa toile Les Derniers Moments représente l’Espagne à l’Exposition universelle de 1900 à Paris, il se rend dans la capitale française où il s’inspire de l’atmosphère du Moulin de la galette. Il y rencontre d’autres artistes : Apollinaire, Modigliani ou encore sa compagne, Fernande Olivier. Il devient (avec Braque) le maître incontesté de la révolution cubiste. Influencés après 1925 par les artistes surréalistes, ses tableaux se font plus violents. Horrifié par la guerre d’Espagne, Picasso se lance dans la production de l’une de ses œuvres majeures, Guernica. Il y exprime toute sa colère et dénonce l’horreur de la guerre et du fascisme. Elle est exposée à l’Exposition internationale à Paris en 1937. En 1940, il demande la nationalité française qui lui est refusée sans justification. Il ne fera plus jamais de demande. Grand partisan de la paix, il peint, après la guerre, la célèbre Colombe de la paix en 1949. Installé sur la Côte d’Azur à Vallauris, Picasso reste très actif jusqu’à sa mort en 1973.

Légende de l'image : Pablo Picasso dans l'atelier de la villa "Californie" à Cannes en 1956 pendant le festival © Jerome Brierre. All rights reserved 2023 / Bridgeman Images  

Patricia Loison (née en 1971) – Journaliste

Née en 1971 à New Delhi en Inde, Patricia Loison est une journaliste télévisée. Elle passe ses six premières années dans un orphelinat en Inde avant d’être adoptée par un couple franco-belge. Après son baccalauréat, elle intègre l’École supérieure de journalisme de Lille. Elle en sort diplômée d’un master en journalisme international. Commence alors une riche carrière dans l’audiovisuel privé et public : LCI de 1944 à 2004 (Journal du monde et Journal des Européens), Itélé en 2005 (Journal de l’international et Un jour dans le monde) et France 3 en 2009 (Faut pas rêver), 2011 (Journal télévisé Soir 3). Patricia Loison présente également le magazine d’investigation Pièce à conviction. En 2013, Louis Laforge l’accompagne dans la présentation du journal intitulé désormais Le Grand Soir. Depuis septembre 2019, et après une parenthèse professionnelle de trois ans, elle présente le journal du soir du service public, déplacé à cette date de la chaîne France 3 sur France Info. Elle est mariée et mère de deux filles nées en 2002 et 2007.

Légende de l'image : Patricia Loison, 2022 © Philippe Matsas/Leextra 

Phouséra Ing, dit Séra (né en 1961) – Auteur de BD, professeur

Né en 1961 à Phnom Penh au Cambodge, Phoussera Ing, dit Séra, est un dessinateur et scénariste de bande dessinée. Il est également peintre sous le nom de Phoussera. Séra émigre en France en 1975, où il obtient un diplôme de premier cycle en arts graphiques puis un DEA en arts plastiques en 1987. Il devient ensuite chargé de cours de bande dessinée à l’université Paris-I, professeur d’illustration à l’European Graphic Design et chargé de cours de narration visuelle au Cned-Institut de Vanves. Il publie son premier album, Lady Mage Kane, en collaboration avec François Borderie. En 1993, il sort La Vespasienne, pour un éditeur japonais. S’ensuit Retour de soleil en 1995. En France, le scénariste se fait connaître grâce à une première version d’Impasse et rouge. À ce jour, trois tomes de la série Les Processionnaires sont sortis. En 1999, Séra se distingue en écrivant et en dessinant Antichambre de la nuit. En 2005, l’artiste revient avec L’Eau et la Terre. Cambodge (1975-1979), un récit réel et poignant sur le pays de son enfance. Fort d’un parcours salutaire, Séra publie Lendemain de cendres en 2007. Ses premiers travaux professionnels sont publiés dans Circus, magazine des éditions Glénat. Il reçoit en 2012 le prix Polar-BD du meilleur one shot pour Flic, tiré du livre éponyme de Bénédicte Desforges.

Pınar Selek (née en 1971) – Sociologue et écrivaine

Née en 1971 à Istanbul, Pinar Selek est sociologue, militante féministe et antimilitariste. Elle travaille sur les thèmes de la marginalisation et de l’exclusion par la République turque. En 1995, elle cofonde l’Atelier des artistes de rue, dont elle sera la coordinatrice et auquel participent des personnes sans domicile fixe, des enfants, des Tziganes, des étudiants, des femmes au foyer, des travestis, des transsexuels, des prostitués. Elle est victime de la répression que subissent les intellectuels en Turquie et est emprisonnée en 1998. Pinar Selek a dû quitter son pays pour éviter la prison à perpétuité. Elle vit désormais en exil en France depuis 2011 où elle est naturalisée française en 2017 après avoir obtenu le statut de réfugiée en 2013. Aujourd’hui, elle enseigne la sociologie et les sciences politiques à l’université Côte d’Azur, où elle est maître de conférences et mène différentes recherches au sein de son laboratoire, l’Urmis. Elle co-anime notamment l’Observatoire des migrations dans les Alpes-Maritimes et a coordonné avec Daniela Trucco l’ouvrage collectif Le Manège des frontières. Criminalisation des migrations et solidarités dans les Alpes-Maritimes paru en 2020. Elle a également publié plusieurs livres, fictions, contes, essais et articles. Pinar Selek obtient le prix de la Culture méditerranéenne 2019 (section « Société civile ») décerné par la fondation Carical en Italie.

Polonais

La France est la destination privilégiée des migrations venues des territoires de la Pologne aux xixe et xxe siècles. Une vague importante, appelée « Grande Émigration » – « grande » par son rôle dans la survie de la culture polonaise –, a lieu après l’échec de l’insurrection de 1830-1831. Frédéric Chopin ou Adam Mickiewicz sont parmi les immigrants les plus connus des 8 000 civils et soldats qui fuient la répression russe. Paris devient la deuxième capitale polonaise alors que l’État polonais est rayé de la carte européenne. 

À partir de la fin des années 1880, ce sont les artistes polonais qui voient dans leur installation en France la possibilité de cultiver la polonité de leur art dans un climat de liberté. En 1891, Marie Skłodowska (future Curie) vient à la suite de sa sœur Bronisława faire à Paris des études universitaires interdites aux femmes polonaises par l’occupation tsariste. Tel sera également le cas, à cette époque, d’autres intellectuelles dont Julie Duval.
La Grande Guerre éveille chez les Polonais l’espoir d’une renaissance de leur État. Ils affluent du monde entier pour rejoindre les forces françaises, mais l’alliance franco-russe empêche la France d’intégrer directement ces volontaires. Ils sont donc versés dans la Légion étrangère où ils prennent le nom de « Bayonnais ». Leur détachement s’illustrera sur le front français dès l’automne 1914. L’entre-deux-guerres est la grande période d’arrivée des Juifs en France, notamment à cause de la dérive antisémite du gouvernement polonais. Les Polonais juifs s’installent à Paris et dans sa banlieue, mais également dans les régions minières et sidérurgiques du Nord-Pas-de-Calais, de la Lorraine et de Saône-et-Loire où, à la suite de la convention franco-polonaise (1919), arrive un grand flux d’ouvriers polonais. La population polonaise en France est officiellement de 507 800 personnes en 1931. Une concentration exceptionnelle fait que, dans les Hauts-de-France, certaines communes deviennent polonaises à 80 %. Il en découle une vie familiale et communautaire avec un enseignement de langue polonaise ; des associations théâtrales, religieuses, sportives et patriotiques polonaises ; un encadrement religieux catholique et des commerces polonais. Le sort des femmes célibataires envoyées dans les campagnes françaises diffère par un isolement et des traitements peu protégés par la Convention. À la suite de l’agression nazie de la Pologne, l’accord du 9 septembre 1939 amorce un regroupement de l’armée polonaise à Coëtquidan. En juin 1940, 82 000 soldats polonais prennent part à la défense de la France avant d’être évacués vers l’Angleterre. Les Polonais de France rejoignent majoritairement les réseaux de Résistance avec des organisations polonaises comme F2 ou Pown. L’État de Guerre instauré en Pologne en décembre 1981 crée une nouvelle vague d’immigration polonaise où les intellectuels dominent.

Portugais

L’immigration portugaise vers la France est assez tardive. Les Portugais ont longtemps préféré s’installer au Brésil, ancienne colonie portugaise. Entamée avec la Grande Guerre, l’immigration portugaise se développe dans les années 1920 (75 000 entrées environ) mais est stoppée net avec la crise des années 1930, la fermeture des frontières et les expulsions d’étrangers jugés indésirables. C’est à la fin des années 1950 que les arrivées reprennent et s’amplifient tout au long des années 1960 et au début des années 1970. Jusqu’en 1974, 900 000 Portugais entrent en France légalement ou clandestinement.

Cette immigration concerne d’abord des populations issues du monde rural durement frappées par la misère et la pauvreté. Suivent alors les opposants politiques fuyant la dictature, les jeunes voulant échapper au service militaire dans les guerres coloniales, des artistes et des intellectuels. Les hommes investissent le plus souvent les emplois peu qualifiés (bâtiment et travaux publics, industrie) et les femmes, dont le taux d’activité est singulièrement élevé, sont employées comme domestiques, concierges, mais aussi dans le secteur industriel. À leur arrivée dans l’Hexagone, beaucoup sont contraints de vivre dans des bidonvilles comme ceux de Champigny-sur-Marne, Saint-Denis, Nanterre, Aubervilliers, Massy, Villeneuve-le-Roi, Mérignac ou Oyonnax, dans des conditions difficiles. Les Portugais s’installent en bonne partie en région parisienne mais leur présence est également importante dans d’autres régions telles que le Nord, l’Auvergne, ainsi que dans les agglomérations lyonnaise et bordelaise. Ils ont longtemps occupé la première place des immigrés en France. La fermeture de l’immigration décidée en 1974 n’empêche pas le maintien d’un flux migratoire entre les deux pays. Avec l’adhésion du Portugal à la Communauté économique européenne et la mise en place progressive de la libre circulation, des milliers de Portugais continuent à venir en France chaque année, parfois dans le cadre de détachements. Après la forte crise économique que connaît le Portugal à la fin des années 2000, l’émigration augmente fortement, mêlant travailleurs peu qualifiés et jeunes diplômés à la quête d’emplois.

René Depestre (né en 1926) – Poète

Né en 1926, René Depestre est un poète, romancier et essayiste haïtien. Il publie son premier recueil de poésie, Étincelles, en 1945. Il quitte son pays natal en 1946 lorsqu’une junte militaire y est établie et menace les opposants. Il s’installe à Paris où il est proche des mouvements de la décolonisation, de la négritude, des surréalistes, et du Parti communiste. Expulsé de France, il part vivre à Prague avec sa femme, jusqu’en en 1952. À l’invitation du poète Nicolás Guillén, ils arrivent à Cuba mais sont expulsés comme « agents de Moscou ». Après plusieurs voyages à l’invitation de Pablo Neruda et de Jorge Amado, et un retour en France en 1955, l’interdiction de séjour ayant été levée, il a de vifs échanges avec Césaire, à propos de la négritude. Il publie Minerai noir en 1956, dans lequel il évoque les souffrances et les humiliations de l’esclavage. À l’avènement en Haïti de François Duvalier, il s’installe à Port-au-Prince. Il revient à Cuba en 1959, et travaille pendant plus de vingt ans pour la révolution cubaine. Sa relation avec le régime castriste se ternit cependant au fil des années et il finit par quitter Cuba pour rallier la France et s’y installer définitivement en 1978. Il travaille de nombreuses années à l’Unesco. En 1988, son roman Hadriana dans tous mes rêves reçoit le prix Renaudot. Son œuvre est désormais largement reconnue, et il reçoit de nombreux prix. Retiré depuis sa retraite en 1986 à Lézignan-Corbières, dans l’Aude, il écrit ses Mémoires.

Légende de l'image : René Depestre en 1956 à la Sorbonne © Estate of Gerald Bloncourt. All Rights Reserved/Bridgeman Images

Rithy Panh (1964-) – Réalisateur

Né en 1964 à Phnom Penh au Cambodge, Rithy Panh est un réalisateur franco-cambodgien. Il passe son enfance dans les camps khmers. Il réussit à s’évader en 1979 et rejoint le camp de réfugiés de Mairut, en Thaïlande, avant d’arriver en France. Passionné de cinéma, il entre à l’Idhec (Institut des hautes études cinématographiques) en 1985 et se spécialise dans le film documentaire. Rithy Panh consacre son travail à l’histoire de son pays, à un travail de mémoire et de recherche d’une identité cambodgienne à reconstruire. Il montre les horreurs qui ont eu lieu dans son pays dans Site 2 (1989), La Terre des âmes errantes (1999), Les Gens de la rizière, présenté en compétition officielle à Cannes en 1994, et Un soir après la guerre, en compétition dans la section « Un certain regard » en 1998. Mais c’est surtout le documentaire S21, la machine khmère rouge qui frappe les consciences de tous les pays. Dans ce film, Rithy Panh confronte les trois rescapés de la base S21 à leurs anciens bourreaux. En 2005, Rithy Panh présente hors compétition à Cannes Les Artistes du théâtre brûlé, et se concentre en 2007 sur le sort des femmes qui se prostituent au Cambodge dans Le papier ne peut pas envelopper la braise. Également acteur il joue dans Holy Lola de Bertrand Tavernier.

Légende de l'image : Le réalisateur, producteur et écrivain franco-cambodgien Rithy Panh devant l'affiche de son film "Les gens de la rizière" le 9 octobre 2004, à Paris, France © Thierry NECTOUX/GAMMA-RAPHO 

Roumains

Commencée au xixe siècle, l’émigration roumaine vers la France a d’abord été le fait d’aristocrates ayant appris le français, ou de Juifs fuyant les discriminations. La France a aussi accueilli des artistes et écrivains roumains comme le musicien Georges Enesco en 1895, le sculpteur Constantin Brancusi en 1904, l’écrivain Panaït Istrati en 1913, le poète Tristan Tzara en 1920, l’actrice Elvire Popesco, en 1924… La France a attiré aussi de nombreux étudiants roumains, en particulier des Juifs soumis à des quotas dans les universités roumaines.

Cette émigration s’est intensifiée avec l’instauration d’un régime fasciste à Bucarest. Des communistes trouvent alors refuge en France, la plupart s’engagent dans la Résistance. Après la guerre, des soutiens du fascisme déchu, comme l’écrivain Emil Cioran, s’installent à Paris. Le régime communisme provoque ensuite plusieurs vagues de réfugiés. Serge Klarsfeld ou Serge Moscovici sont parmi les premiers, en 1947-1948, suivis, plus tard, par les transfuges Teodor et Vladimir Cosma, musiciens père et fils, en 1963, le cinéaste Radu Mihaileanu, en 1980, ou la famille de la jeune sportive Roxana Maracineanu, en 1984… Ces dernières années, des travailleurs saisonniers font des allers-retours entre la Roumanie et la France. D’autres migrants dont les Roms gagnent leur vie en France en mendiant ou en jouant de la musique dans les rues ou dans le métro.

Roxana Maracineanu (née en 1975 à Bucarest) – Ancienne nageuse et femme politique

Roxana Maracineanu est une jeune gymnaste vivant dans la Roumanie communiste. À l’époque, la gymnastique fait la gloire du régime de Nicolae Çeauçescu et les jeunes sportives sont particulièrement surveillées. Son père, ingénieur, est envoyé en mission en Algérie. Par chance, en 1984, la famille est autorisée à rejoindre le père le temps des vacances, y compris la jeune Roxana. Une fois la famille réunie, les parents de Roxana décident de fuir la dictature en s’embarquant pour Marseille, depuis Alger, pour demander l’asile politique en France. C’est dans un club de natation de Mulhouse que la jeune Roxana poursuit sa carrière sportive jusqu’au plus haut niveau. Naturalisée en 1991, elle devient la première française championne du monde de natation sur le 200 mètres dos en 1998 à Perth en Australie. En 2000, elle obtient la médaille d’argent du 200 mètres dos aux Jeux olympiques de Sydney. Sa carrière sportive ne l’empêche pas de mener de brillantes études et de s’engager en politique. Elle est conseillère régionale socialiste d’Île-de-France de 2010 à 2015, puis ministre des Sports pendant la première présidence Macron (2018-2022). Très engagée, elle fonde deux associations : Educateam et J’peupa G piscine !, créée par des mamans pour des mamans, nouvelle approche de l’apprentissage de la natation en famille.

Rudolf Noureev (1938-1993) – Danseur

Rudolf Noureev est né en 1938 en URSS dans un wagon de troisième classe qui amène sa mère en direction de Vladivostok en Sibérie. Formé à la danse classique à Oufa, contre la volonté de son père qui était commissaire politique de l’Armée rouge, Rudolf Noureev commence à travailler dans le corps de ballet de cette même ville à l’âge de seize ans. De 1955 à 1958, il étudie à l’école Vaganova de Leningrad avec le maître de ballet Alexandre Pouchkine. Admis en 1959 dans le corps de ballet du Kirov, il en devient rapidement soliste. En 1961, alors qu’il est en tournée avec le Kirov en France, où il éblouit le public dans La Bayadère, il demande l’asile à l’aérodrome du Bourget. Rudolf Noureev obtient rapidement un engagement dans la compagnie du marquis Georges de Cuevas. En 1962, il fait ses débuts au Royal Opera House de Londres, à Covent Garden, où il danse notamment avec l’étoile Margot Fonteyn dans Giselle ou Le Lac des cygnes. Naturalisé autrichien en 1982, il s’installe à Paris où il est nommé directeur de la danse au ballet de l’Opéra national de Paris de 1983 à 1989. Pendant cette période faste de l’histoire de l’opéra, il danse et propose ses propres versions des ballets du répertoire, s’intéressant aussi à la danse « baroque » et invitant des chorégraphes. Atteint du sida, Rudolf Noureev décède dans une clinique de Levallois-Perret en 1993.

Légende de l'image : Rudolf Noureev (1938-1993), danseur russe. Ballets Cuevas. Paris, juin 1962 © Boris Lipnitzki / Roger-Viollet

Russes

Jusqu’à la seconde moitié du XIXe siècle, la présence des Russes en France est un phénomène marginal. Si la haute société impériale prend l’habitude de fréquenter la Côte d’Azur, la France devient peu à peu un territoire de transit, principalement pour les Juifs russes qui cherchent à partir outre-Atlantique via l’Angleterre. Certains s’installent finalement à Paris et le quartier du Marais, le Pletzel, s’impose au tournant du siècle comme le grand carrefour des migrants de l’empire, tandis que le Quartier latin est investi par la jeunesse estudiantine révolutionnaire russe.

Après la révolution de 1905, Paris et sa banlieue accueillent des opposants de plus en plus nombreux. Le recensement de 1911 dénombre plus de 30 000 Russes en France. Le dénouement de la guerre civile, consécutive à la révolution de 1917, entraîne des départs massifs de l’empire défunt et la France devient une terre de refuge pour près de 100 000 d’entre eux. Aux côtés des vétérans de l’Armée blanche, devenus souvent ouvriers, chauffeurs de taxi, les réfugiés forment un univers très composite, où dominent politiciens, intellectuels, artistes qui font de Paris la capitale dynamique de la nouvelle diaspora russe dans l’entre-deux-guerres. Après la Seconde Guerre mondiale, des prisonniers de guerre soviétiques que les occupants allemands avaient employés à divers chantiers refusent leur rapatriement et restent en France. Dans les années 1970, Juifs et dissidents expulsés d’URSS s’installent pour une part dans la région parisienne. Depuis la dislocation de l’URSS en décembre 1991, émigre une nouvelle génération de Russes qui tente de s’intégrer dans un Occident resté longtemps inaccessible. En dehors de la région parisienne, d’importantes communautés se sont installées dans le Sud-Est, l’Isère, le Loiret et la Moselle.

Samuel Beckett (1906-1989) – Écrivain

Samuel Beckett fait des études de langue – dont le français – au Trinity College de Dublin et découvre la France pour la première fois l’été 1926. Il écrit en 1931 un petit essai sur Proust. Après l’assassinat de Paul Doumer en 1932, une vague de xénophobie oblige Samuel Beckett à regagner l’Irlande. Il ne s’installe définitivement à Paris qu’en 1937 et rencontre la pianiste Suzanne Decheveaux-Dumesnil qu’il épouse en 1948. À la déclaration de guerre en 1939, Samuel Beckett, qui est en Irlande, revient en France. Il s’engage dans la Résistance et reçoit à ce titre, le 30 mars 1945, la Croix de guerre ainsi que la médaille de la Résistance. Il commence à écrire une première pièce en français, Eleutheria (qui restera inédite jusqu’à sa mort), puis, en 1948, la première version d’En attendant Godot. Sa femme la propose à trente-cinq directeurs de théâtre, sans succès, jusqu’au jour où elle la fait lire à Roger Blin, qui décide de la mettre en scène. En 1960, Samuel Beckett commence en anglais Happy Days, pièce qui sera créée à New York en 1961 et qu’il ne traduira en français qu’en 1962. Durant toute sa carrière, Samuel Beckett écrira alternativement en français et en anglais, pièces et romans. En 1969, il reçoit le prix Nobel de littérature. Samuel Beckett est aussi un romancier et un poète. Il meurt à Paris en 1989.

Légende de l'image : Samuel Beckett (1906-1989), écrivain irlandais, assistant à une répétition de "En attendant Godot". Paris, théâtre de l'Odéon, 1961 © Studio Lipnitzki / Roger-Viollet

Sénégalais

Les Sénégalais sont très nombreux en France métropolitaine, parmi les immigrés d’Afrique subsaharienne. Leur présence ancienne est liée à l’histoire de leur pays où les Français sont installés dès le xviie siècle, notamment à Saint-Louis du Sénégal, qui fut doté, avec Rufisque, Gorée et Dakar, d’un statut à part à la fin du xixe siècle. Leurs habitants avaient le droit de vote au niveau municipal et élisaient un député à l’Assemblée nationale française. Blaise Diagne fut le premier noir, élu en 1914. La circulation entre ces « quatre communes » et la France était régulière, notamment pour l’élite. Ainsi, le Sénégal a été le premier pays africain à envoyer ses étudiants en France. On peut citer Lamine Gueye (1891-1968), premier docteur en droit de l’Afrique francophone en 1921, Léopold Sédar Senghor (1906-2001), premier agrégé en grammaire en 1935, Alioune Diop (1910-1980), fondateur en 1947 de la revue Présence africaine. Des soldats sénégalais ont participé aux deux conflits mondiaux et aux différentes guerres coloniales.

Les flux migratoires impliquent aussi des Sénégalais d’autres régions et ethnies venus travailler comme ouvriers, marins, dockers, comme Ousmane Sembène (1923-2007), ou commerçant via le réseau mouride. Ils migrent notamment de la vallée du Fleuve et de Casamance. Les Soninkés sont les plus nombreux. On les retrouve un peu partout en France mais surtout à Marseille et en Île-de-France. Malgré la fermeture des frontières et la difficulté d’avoir un visa, les Sénégalais émigrent toujours vers la France (étudiants, regroupement familial, sportifs) et nombreux sont les binationaux qui circulent entre les deux pays.

Serbes

Au début du XXe siècle la France accueille essentiellement des paysans et des éleveurs pauvres dans les bassins miniers français. Suivent les soldats blessés et les réfugiés de la Grande Guerre, les immigrés politiques après la Seconde Guerre mondiale (des fidèles de la monarchie, des nationalistes et des démocrates opposés au régime de Tito), les artistes, les intellectuels, les étudiants, puis les migrants économiques. Après la Première Guerre mondiale, l’émigration se diversifie. La France attire, non seulement à cause de son rayonnement culturel, des intellectuels serbes venus faire leurs études, mais aussi des militaires, suite à l’alliance instaurée lors de la Grande Guerre (la formation des militaires serbes et yougoslaves dans les écoles militaires françaises, etc.).

Le régime de Tito permet entre 1965-1975 à des milliers de gens d’émigrer pour trouver du travail et s’installer temporairement dans les pays occidentaux. Les Serbes sont alors des salariés très recherchés, en raison de leur niveau d’études très élevé. Dans les années 1990, la guerre civile entraîne l’arrivée en France de nouveaux réfugiés. Cette immigration reste faible comparée aux grandes communautés d’origine étrangère comme les Algériens et les Italiens. Les immigrés Serbes sont majoritairement concentrés dans la région parisienne mais aussi dans les régions Rhône-Alpes, Alsace-Lorraine, Franche-Comté et Provence-Côte d’Azur.

Sri Lankais

L’immigration sri lankaise en France commence dans les années 1970. Elle se compose majoritairement de Tamouls originaires de la région de Jaffna (nord du pays) qui ont fuis la guerre, mais aussi de Cingalais et de musulmans. C’est surtout avec l’arrivée au pouvoir de François Mitterrand qui adopte une politique migratoire moins hostile, contrairement à Margaret Thatcher au Royaume-Uni (Immigration Act de 1971), que la France devient une destination d’immigration privilégiée. L’octroi par l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides de l’asile politique a permis leur installation durable. La constitution d’un quartier commercial sri lankais, La Chapelle, entre les 10e et 18e arrondissements, la procession annuelle en l’honneur du dieu Ganesh qui se déroule dans les rues de ce quartier et la forte concentration démographique de Tamouls sri lankais dans les villes de la banlieue nord-est de Paris (surtout en Seine-Saint-Denis et dans le Val-d’Oise) les rendent de plus en plus visibles en France. La Chapelle est devenue, au même titre que East Ham à Londres ou Scarborough à Toronto, un des principaux « Little Jaffna », ces ethnoterritoires tamouls constitués par les réfugiés sri lankais dans leur pays d’installation.

Stéphane Hessel (1917-2013) – Résistant

Fils de l’écrivain allemand Franz Hessel, Stéphane Hessel, né le 20 octobre 1917 à Berlin, arrive en France en 1924 avec sa mère, l’héroïne du roman d’Henri-Pierre Roché puis du film de François Truffaut Jules et Jim. Bachelier à l’âge de quinze ans, il étudie à la London School of Economics, à Sciences-Po Paris, est naturalisé français en 1937 et intègre l’École normale supérieure en lettres, en 1939. Mobilisé, prisonnier, évadé, il fait le lien entre les services spéciaux de la France libre et l’état-major anglais à Londres en mars 1941, part en mission en France en mars 1944, est arrêté, déporté entre autres à Buchenwald et Dora, et s’évade lors d’un transfert. Reçu au concours des Affaires étrangères à la fin de 1945, en poste à l’ONU, il sert de secrétaire lors de la rédaction de la Déclaration universelle des droits de l’homme, participe au cabinet de Pierre Mendès France en 1955, occupe des postes à Paris mais aussi Saïgon, Alger, New York, Genève. Il a créé en 1962 l’Association de formation des travailleurs africains et malgaches, participé au cabinet du ministre de la Coopération, Pierre Abelin, en 1974, et présidé l’Office pour la promotion culturelle des immigrés de 1975 à 1977. Stéphane Hessel s’éteint à Paris en 2013.

Légende de l'image : Stephane Hessel, écrivain et ancien diplomate, 16 février 2006 © Ulf ANDERSEN/GAMMA 

Suisses

L’immigration suisse est polymorphe et court sur le temps long. Elle est, dès le Moyen Âge, frontalière, avec la venue de fromagers fribourgeois ou de paysans repeuplant les régions dévastées par la guerre de Cent Ans. À l’époque moderne, elle est surtout le fait de mercenaires au service du roi. Du fait de d’une paupérisation grandissante, cette migration de proximité connaît une expansion entre 1850 et 1930. Elle est alors composée aussi bien d’une bourgeoisie commerçante et industrielle que de professions libérales, mais aussi d’employés ou de domestiques, hommes et femmes.

Au XIXe siècle, les liens communautaires sont forts. Les élites helvétiques installées à Paris n’hésitant pas à renvoyer au pays les éléments indésirables pour ne pas nuire à la bonne réputation de la communauté. Les Suisses se sont implantés à Paris, Lyon, Marseille, dans les villes frontalières et portuaires (Le Havre ou Bordeaux). Avec le temps, le profil des migrants a évolué. Les artisans et les ouvriers ont été remplacés par des personnes occupant des postes de dirigeant, notamment dans les nouvelles technologies. Les Suisses et leurs descendants en France forment la plus vaste communauté helvétique installée à l’étranger. Leurs apports sont considérables dans divers domaines de la société française (technologie, tourisme, culture).

Tojohasina Razafintsalama (1994-2020) – Militaire

Né le 20 octobre 1994 à Mahazoarivo à Madagascar, le première classe Tojohasina Razafintsalama a accompli toute sa carrière au sein du 1er régiment de hussards parachutistes (RHP) de Tarbes. Engagé en août 2018 au sein de ce régiment de l’armée de terre, il se distingue par son excellent état d’esprit et fait preuve d’un très bon potentiel. Affecté au 2e escadron comme cavalier blindé, il est élevé à la distinction de 1re classe en février 2019. Particulièrement compétent, il participe à une mission en Nouvelle-Calédonie entre août et décembre 2019 où il s’investit sans compter, notamment lors d’une tournée de province, ce qui lui vaudra une lettre de félicitations émise par le colonel commandant le régiment d’infanterie de marine du Pacifique Nouvelle-Calédonie (RIM-PNC). Militaire motivé, il réussit sa formation générale élémentaire lors de son retour à Tarbes et accède à la fonction de tireur de mitrailleuse au sein de son peloton. Il est déployé au Mali le 14 juillet 2020 en tant que cavalier blindé dans le cadre de l’opération « Barkhane » menée au Sahel et au Sahara contre des groupes armés djihadistes. Le 23 juillet, au cours d’une opération de reconnaissance, Tojohasina Razafintsalama est mortellement blessé par l’explosion d’un véhicule-suicide ennemi à proximité de son véhicule blindé léger, au nord de la base opérationnelle avancée de la localité de Gossi, à près de 200 kilomètres au sud-ouest de Gao. Il est le 47e soldat français décédé dans le cadre de l’opération Barkhane, déclenchée en 2012 pour lutter contre les groupes salafistes djihadistes dans la région du Sahel. Décoré de la médaille de la Défense nationale échelon « bronze » le 1er janvier 2019, le hussard parachutiste de 1er classe Tojohasina Razafintsalama est mort pour la France dans l’accomplissement de sa mission. Tarbes, sa ville de coeur, lui a rendu un vibrant hommage. (texte tiré de Portraits de France)

Tunisiens

Les migrations tunisiennes, plus généralement maghrébines, s’inscrivent dans des logiques historiques. Pour la période contemporaine, les échanges migratoires ont été impactés par la colonisation puis la décolonisation. Si, pendant la période coloniale, les flux partaient d’Europe vers le Maghreb, la tendance s’inverse après. Dans ce contexte, la France installe une antenne de l’ONI (Office national de l’immigration) en 1969 à Tunis. L’arrivée d’enfants et d’épouses succède aux trajectoires migratoires individuelles, principalement masculines, dans le cadre des politiques de regroupement familial.

Depuis lors, les principaux lieux d’installation sont la région parisienne, Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte d’Azur. Au fil de ces dernières décennies, des réseaux pluriels se sont tissés et des filières migratoires répondant à des secteurs d’activités divers se sont constituées : le BTP, les industries de transformation, les secteurs des services et du commerce. Depuis 2011, année de bouleversement révolutionnaire dans les sociétés arabes, deux dynamiques migratoires se croisent. Des jeunes clandestins tunisiens, désignés comme harraga (« brûleurs de frontières »), traversent la Méditerranée dans des embarcations de fortune, accostant (ou non) en Europe. En parallèle, une migration « choisie » composée de personnes diplômées (secteur de la santé, informatique, ingénierie, etc.) se développe. Les générations issues de ces différents mouvements, par leurs parcours, s’intègrent dans l’évolution de la France dans tous les domaines (universitaire, artistique, médiatique, technologique, etc.).

Turcs

Les premiers flux migratoires turcs vers la France datent de la fin des Trente Glorieuses. Les gouvernements des deux pays signent le 8 avril 1965 une convention de main-d’œuvre qui a pour finalité de faire venir temporairement en France des ouvriers en cette période de forte croissance. Depuis, leur nombre n’a cessé d’augmenter au fil des années. L’Insee recense 7 628 ressortissants turcs sur le territoire français en 1968, 50 860 en 1972 et 123 540 en 1982. Ces migrants sont principalement installés en Île-de-France, en Alsace, en Lorraine et en Rhône-Alpes. Ils travaillent dans l’industrie de transformation, l’automobile, le textile, le bâtiment, l’alimentation générale, la restauration, etc. Parmi eux figurent de nombreuses minorités rejetées par la Turquie ou des intellectuels et hommes politiques en rupture avec le pouvoir : les Kurdes, les Arméniens, les Juifs, les Grecs, les Lazes, les Chaldéens, ainsi que des militants marxistes réprimés par le pouvoir en place. Ensuite, depuis les années 1980, sont arrivés des réfugiés fuyant la dictature militaire et la guérilla kurde dans le sud-est de la Turquie.

Vietnamiens

Contrairement aux idées reçues les boat people, ces réfugiés, arrivés dans les années 1970, décennie du plus grand afflux, ne sont pas les premiers migrants vietnamiens. La présence de ces derniers en France métropolitaine est séculaire : soldats et travailleurs coloniaux, personnel navigant des lignes régulières de transports maritimes entre Marseille et les colonies françaises d’Asie, intellectuels et étudiants. Cette immigration coloniale connaît un turn-over important mais donne naissance à des regroupements très actifs dans la lutte pour l’indépendance. Viennent ensuite, en 1954, avec la fin de la présence française en Indochine, les « rapatriés d’Indochine », devenus français par naturalisation, mariage, etc.

Les Vietnamiens s’installent d’abord dans le quartier Maubert-Mutualité (Paris, 5e), fréquenté après la Seconde Guerre mondiale par les étudiants et les ouvriers-soldats restés en France. Quant aux réfugiés, parmi lesquels des sino-vietnamiens, ils se sont massivement implantés dans le 13e arrondissement de Paris, et en dehors de la capitale, à l’instar d’autres immigrants d’Asie du Sud-est, habitant dans la zone Marne-la-Vallée : Noisy-le-Grand, Noisiel, Lognes et Torcy. Après l’Île-de-France, Marseille est la ville qui a accueilli le plus grand nombre de Vietnamiens depuis la période coloniale. On trouve aujourd’hui ces immigrants et leur descendance un peu partout en France. Cette dispersion géographique tout comme l’extrême diversité sociale s’explique par une histoire des migrations liée au contexte colonial et à celui de la guerre froide.

Youssoupha (né en 1979 à Kinshasa) – Rappeur

Youssoupha Mabiki est un rappeur français né en 1979 à Kinshasa (République démocratique du Congo). Il est le fils de Taby Ley Rochereau, célèbre chanteur de rumba congolaise, et d’une Sénégalaise. Il arrive en France à l’âge de dix ans. Il vit d’abord à Béziers avant de rejoindre sa tante à Cergy. Élève brillant, il obtient son baccalauréat et entame des études de médiation culturelle et communication. Après sa maîtrise, relayée par un cursus universitaire à la Sorbonne-Nouvelle (Paris III), il se consacre à la musique. Youssoupha, riche de la double culture africaine et européenne, domine le rap français par son verbe et sa liberté de parole. Il sait manier avec magnificence les mots. Qualifiés de rap politique ou rap conscient, ses albums À chaque frère (2007), Sur les chemins du retour (2009), ou encore Noir D**** (2012), disque de platine, s’inspirent de sa jeunesse et de la vie en banlieue. Le dernier comporte notamment le titre Les Disques de mon père, composé à partir du sampling de la chanson originale Pitié de son célèbre père, qui meurt un an après. Sorti en mai 2015, son quatrième album, NGRTD, a été certifié disque d’or. En mars 2021, Youssoupha est de retour avec l’album Neptune Terminus. Le 19 mai 2021, il compose et interprète le titre Écris mon nom en bleu, crie mon nom en bleu, pour accompagner l’annonce des vingt-six joueurs de l’équipe de France sélectionnés pour l’Euro. Youssoupha, cet architecte lyrique, écrit également pour d’autres artistes comme Kenza Farah, La Fouine ou Oxmo Puccino.

Légende de l'image : Youssoupha en concert au Paleo Festival de Nyon le 28 juillet 2019, Suisse © LEELOU/GAMMA-RAPHO 

Yvan Beck (1909-1963) – Footballeur

Yvan Beck, né Ivan Bek, commence très tôt sa carrière de footballeur, en 1925, au sein de ce qui se nomme alors le royaume des Serbes, des Croates et des Slovènes, rebaptisé Yougoslavie en 1929. Dans le championnat de France encore amateur des années 1920, l’un des meilleurs clubs, le FC Sète, met en place un système d’« amateurisme marron » consistant à recruter des joueurs originaires notamment d’Europe de l’Est, qui poursuivent officiellement leurs études en France, mais qui consacrent une bonne partie de leur temps à la pratique du football, tout en recevant des rémunérations non officielles. C’est à ce titre qu’Yvan Beck arrive en France en 1928 et devient rapidement un joueur de football sétois emblématique, tout en étudiant à la faculté de Montpellier. En 1934, Sète, devenu club professionnel, remporte le doublé Championnat-Coupe de France. Yvan Beck entame avec succès une procédure de naturalisation en 1933. Sélectionné à cinq reprises chez les Bleus entre 1935 et 1937, l’attaquant ne parvient toutefois pas à s’imposer. Yvan Beck poursuit sa carrière dans les clubs de l’AS Saint-Étienne et du Nîmes olympique entre 1935 et 1942. Pendant la Seconde Guerre mondiale, il intègre la Résistance. En 1945, revenu à Sète, Yvan Beck tombe dans l’anonymat et trouve un emploi de docker. Il meurt à Sète en 1963, et est enterré au cimetière du Py.

Légende de l'image : SETE-MARSEILLE (2-1)Dedieu entraineur, Miquel (marcel), Dupont (yves), Monsallier (jules), Benouna (ali), Gaco (vincent), Llense (rene), Gabrillargues (louis), Hillier (joseph), Lukacs (istvan), Bukovi (marcel), Beck (yvan)

Zao Wou-Ki (1921-2013) – Artiste

Zao Wou-Ki, né à Pékin en 1921, étudie la calligraphie puis, à partir de 1935, la peinture chinoise à l’école des Beaux-Arts de Hangzhou, où il enseigne ensuite, entre 1941 et 1947. Il découvre la peinture occidentale du début du xxe siècle, celle de Pablo Picasso et de Paul Klee, par des reproductions qui l’influencent fortement ; à l’âge de vingt-sept ans, il part pour la France et s’installe à Montparnasse, afin de suivre les cours de l’académie de la Grande-Chaumière. Il rencontre alors les jeunes abstraits, Jean-Paul Riopelle et Maria Elena Vieira da Silva en particulier. Il se lie d’amitié avec Henri Michaux qui, le premier, écrit un texte sur son œuvre, en 1951. Naturalisé français en 1964 grâce au patronage d’André Malraux, Zao Wou-Ki devient, à partir de 2002, membre de l’Académie des beaux-arts. Le musée du Jeu-de-Paume organise une rétrospective de son œuvre l’année suivante et la Bibliothèque nationale de France, riche des donations consenties par l’artiste en 1979 et 2007, a présenté en 2008 ses œuvres graphiques et imprimées, estampes et livres illustrés. La Chine a également distingué son talent lors d’un séjour de l’artiste à Taïwan et Pékin en 1983. Porteur d’une œuvre de peinture et de gravure très vaste et reconnue dans le monde entier, Zao Wou-Ki s’éteint en 2013 à Nyon. Il est enterré au cimetière de Montparnasse à Paris.

Légende de l'image : Zao Wou-Ki, 1973 © Mayotte Magnus. All rights reserved 2023 / Bridgeman Images